Un écologique entretien de la nature.
La chèvre domestique (Capra hircus Linnaeus, 1758 ou Capra aegagrus hircus) est une espèce ou une sous-espèce de mammifère herbivore ruminant, appartenant à la famille des bovidés, sous-famille des caprins. Elle a été domestiquée dès le début du Néolithique (environ dix mille ans av. J.-C.), vraisemblablement d'abord pour son lait, puis pour sa laine, sa viande, sa peau et son cuir. La plupart du temps, les chèvres sont domestiquées, mais on les trouve aussi à l'état sauvage dans quelques contrées du Caucase, d'Iran, d'Afghanistan ou d'Irak. [Source Wikipédia]
Nous connaissons tous ces sympathiques caprins, jadis compagnons des familles les plus modestes, qui jouent ou plutôt ont joué un rôle écologique d'entretien de parcelles difficiles d'accès. Daudet, dans ses "Lettres de mon moulin", a popularisé celle de M. Seguin. Cette lettre que nous connaissons tous, comporte une double lecture, la lecture primaire empreinte de bucolisme et la leçon philosophique que la plume conservatrice de Daudet, voulait faire passer, en mettant à l'index les rebelles [si j'osais, je dirais les "insoumis"] qui se croient assez forts pour affronter la puissance des prépotents.
Gweltaz Caouissin revient sur la portée philosophique de "La chèvre de M. Seguin" qui, bien entendu, se dégage de l'émouvante histoire qui émeut les enfants.
Un de mes professeurs de philosophie a, un jour, commencé son cours de philosophie allemande, en nous racontant l’histoire de la chèvre de M. Seguin :
« La chèvre de M. Seguin est morte parce qu’elle n’avait pas lu Kant », dit-il. Je ne sais plus dans quel ouvrage du philosophe, mon professeur d’alors avait trouvé cette référence à la chèvre de M. Seguin, mais cela importe peu. Sans doute était-ce dans la Critique de la Raison Pure.
La chèvre de M. Seguin est morte parce qu’elle n’a jamais su comprendre que l’enclos dans lequel elle vivait, était fait pour la protéger et non pour la restreindre. La chèvre de M. Seguin est morte parce qu’elle a rompu avec les dents, les fils de son enclos, avant de se faire dévorer par un loup. La chèvre de M. Seguin ne connaissait pas la différence entre une borne et une limite.
La chèvre de M. Seguin n’avait pas lu Kant, mais Kant, lui, avait beaucoup lu. C’était son boulot. Il avait lu les Duns Scot et les scolastiques, Aristote et les aristotéliciens, Platon et les platoniciens, Parménide, Héraclite, Thalès et les pré-socratiques, Descartes et les cartésiens. C’était un esprit bien fait.
Il est mort en 1804. Il vivait dans l’actuelle Russie, et n’avait pas vu grand-chose de notre monde moderne. Finalement, des limites et de leur franchissement, il n’avait qu’une connaissance conceptuelle, a priori. Il savait, parce qu’il avait lu les mythes grecs, que tout se payait un jour. Il connaissait l’Hubris et la Nemesis. Il ne les avait probablement pas vus à l’oeuvre. Napoléon était encore trop jeune, en 1804.
L’Hubris, notre petite chèvre de M. Seguin l’a affrontée. La Nemesis, elle l’a connue bien assez tôt. Depuis 1804, nous avons développé une civilisation où se sont affirmées plusieurs choses importantes : individualisme, propriété privée, liberté, etc. Notre culture était porteuse de ce génie qui nous fit croire au sophisme que nous avions bâti. Notre génie n’était pourtant pas lié à notre avance technologique. Croire cela, c’est penser que culture et civilisation sont synonymes. Depuis Spengler (Le Déclin de l'Occident), et même avant, nous savons que non. Une civilisation n’est pas géniale, jamais, nulle part. Elle est avancée, douée techniquement. Notre civilisation repose donc sur une idée fausse qui est née de cette confusion, de cette équation : Culture = civilisation.
Chaque culture se vaut, par essence, car chaque culture est l’expression de son environnement, c’est-à-dire de son paysage, de son climat, de l’air qu’on y respire. Nietzsche le disait déjà (Premiers Ecrits), mais les humains sont des plantes. La civilisation, c’est l’impossibilité d’exister en tant que plante. C’est le béton, l’universalité. Tous les mêmes. Tous urbains. Une civilisation n’est pas supérieure aux autres autrement qu’en la dominant. C’est pourquoi Rome a pu dominer la Grèce tout en l’intégrant. Rome a apporté sa civilisation à la Grèce en intégrant sa culture (Hannah Arendt a dû le détailler quelque part, comme dans La crise de la Culture).
Mais revenons à nos moutons. Notre civilisation a dominé le monde et la domine encore, en rejetant toutes les autres cultures. Nous avons bétonné le monde pour mieux y faire rouler nos voitures. Notre culture n’a rien à voir là-dedans. Notre vin, notre poésie et notre peinture n’ont jamais essayé de dominer qui que ce soit, jusqu’à ce qu’on les voit comme des produits que l’on cherche à exporter.
Depuis, nous avons beaucoup exporté, beaucoup importé, beaucoup consommé. Nous avons aussi beaucoup conquis, beaucoup détruit, beaucoup reconstruit. Nous avons bâti un système économique impossible à réguler, puisque voyant la régulation comme une atteinte aux propres valeurs que le système politique qui permet cette économie, défend. On appelle ça une aporie, je crois.
Donc, la démesure, nous avons la chance, à la différence de Kant, d’y être. Nous nous étonnons pourtant du châtiment et continuons notre démesure. Nous continuons à penser le monde comme borné, alors qu'il n'est que limité.
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Refermons ce volet philosophique et revenons à nos moutons ou, plutôt, à nos chèvres.
À Belvès, a-t-on pensé aux Lettres de mon moulin, pour confier l'entretien de certaines parcelles escarpées et malcommodes aux évolutions d'engins d'espaces verts... je ne le pense pas !
Cette sympathique, probablement localement inédite, décision municipale de confier l'entretien de ces parcelles, ne peut que réjouir les amis de la nature et celles et ceux qui trouvent que nos collines bien entretenues sont paradisiaques pour la promenade et pour l'esthétique.
Marcel Pagnol, dans ses souvenirs d'enfance, nous parle de son frère Paul (28 avril 1898 - 28 juillet 1932) et nous dit, avec une douce nostalgie, que son cadet fut le dernier chevrier du Garlaban. Quarante ans après, une famille audacieuse, sur la colline carvésoise de Montauban, relança l'élevage caprin. La population locale douta un peu de cette reprise ; car, alors, les chevriers étaient en voie d'extinction. Localement, Martine et Armand Bortolin ont su actualiser et rétablir toute la noblesse des chevriers.
Cinquante ans plus tard, les élus belvésois, en optant pour l'intégration des caprins dans l'entretien des recoins de leur oppidum, grâce à un pragmatique partenariat, parachèvent cette utile et pertinente renaissance des espèces caprines dans nos escarpements.
Bernard Malhache a rencontré les employés municipaux devenus, l'espace d'un moment, les chevriers de nos collines.
Photo © Bernard Malhache
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Demain. Les piliers de Périgord rail + ont amené les écoliers du primaire de Belvès, en train, aux Eyzies".
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Après-demain. Suivons François Feray et Bruno Marty en paddle sous sept typiques châteaux de la Dordogne.
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