Les souvenirs d'enfance, d'une grande soeur, rappelés au piédroit de la sépulture familiale.
MONPLAISANT & SAGELAT
Le 2 mars, nous étions un tout petit groupe d'autochtones venus là, pour rendre un ultime hommage à Jean-Pierre Mourier, un irréductible ami de son village natal de Fongauffier, des collines environnantes, de la Dordogne, de la Vézère et de la Bessède où, il y a bien longtemps, son grand-père Albéric Laporte, le dernier charron fongauffiérain, allait couper la bruyère pour que son âne Martissou ait de la litière toute l'année. Jean-Pierre a peu connu cet aïeul qui fut soustrait aux siens quand il avait huit ans. Sa grand-mère Eugénie décéda bien plus tard et suivit les pérégrinations d'Odette, sa fille, institutrice.
Jean-Pierre et Françoise, son aînée, ont suivi les affectations de leur père, officier supérieur d'artillerie, alternant du soleil du Maghreb aux rigueurs germaniques du Brandebourg. Les belles rivières d''Outre Rhin n'avaient pas pour Jean-Claude, dans ces lands germaniques, la modestie de la Nauze qu'il chérissait.
Bien entendu, j'ai le souvenir de ce grand jeune homme de l'âge de mon aîné qui, sans nullement nous considérer de haut, avait d'autres regards. Nous, les petits paysans, étions, par essence, pleins d'admiration déférente et retenue pour ces vacanciers venus sur les terres de leurs aïeux maternels… en pensant qu'ils étaient d'un autre cercle.
Au hasard d'une rencontre d'anciens élèves, j'ai retrouvé, des décennies plus tard, cet ingénieur de l'Office national des forêts cherchant à renouer avec ses racines. J'étais à cent lieues de penser qu'il idéalisait ce terroir natal, avec autant de sincérité et d'humilité.
Je pense que nous n'avons jamais parlé de politique ; tout au plus, je l'ai entendu échapper un propos qui identifia, sans la moindre ambiguïté, son idéal parfaitement progressiste, ce qui, bien entendu, ne pouvait pas me déplaire. Chaque fois que j'ai eu l'immense plaisir de le voir, c'était pour l'entendre parler de la Nauze, de nos collines de Pets Chaunat et du Bloy et du dernier charron qui l'a fasciné. La dernière fois que nous parlions de ces lieux bucoliques, nous cheminions vers le cimetière pour accompagner l'un des nôtres
Jean-Pierre a connu ses épreuves bien terribles et douloureuses. Son adorable Christine, à 10 ans, fut emportée par un mal impitoyable. Il y a 8 ans, un second deuil brutal l'affligea quand son fils, Jean-François, le précéda dans la sépulture.
Nous devions l'accompagner, pour le dépôt de ses cendres, et donner à ce moment laïque de recueillement, la dimension qu'il méritait. Une giboulée de mars nous a obligés à vite le confier, dans la précipitation, à cette terre qu'il aimait tant, face à sa maison natale, à la Nauze qu'il a toujours gardée dans son cœur et au dessus de la petite école où il ouvrit son brillantissime parcours scolaire.
Mieux que toute autre personne, Françoise, son aînée, a su nous rappeler combien "Nul ne guérit de son enfance" comme le chantait si bien Jean Ferrat que Jean-Pierre admirait.
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La vénérable demeure, ci-dessus, au siècle dernier, était la demeure du foyer Laporte. Albéric Laporte décéda en 1947. Il était le dernier charron de Fongauffier. Cet immeuble, sous le Second Empire, pendant quelques années, fut une auberge, implantée pour couvrir les besoins des nombreux ouvriers qui élaboraient l'assiette du chemin de fer, perçaient la tranchée du Bloy et construisaient le viaduc de Fongauffier.
À la fin du siècle dernier, l'atelier devint une forge et ferronnerie. Là, Jean-Paul Ribière, hélas prématurément décédé en 2009, donna toute sa noblesse au travail du fer. Son épouse, Marie-Thérèse, a maintenu ce pôle artisanal, quelques temps, avec les compagnons de son mari. Depuis plusieurs années, le bruit de la forge s'est tu.
Jean-Pierre Mourier, en médaillon sur la photo.
Avec ce billet, seuls les souvenirs d’enfance seront évoqués. Tes engagements familiaux comme ceux des milieux associatifs et politiques, tes amis à Poitiers en ont parlé mieux que je ne saurais le faire.
Jean-Pierre, mon grand petit frère !
Petit frère, tu ne l’es pas resté longtemps... Mais, juste assez pour me rappeler combien je te taquinais, en courant plus vite que toi... Très vite, tu es devenu le grand frère ! Plus grand, plus fort, plus brillant à l’école, mais toujours attentif à moi. J’étais fière de toi. Encore plus impressionnée, quand, étudiant, dans la rue avec toi, les femmes de tous âges se retournaient sur ton passage : tu étais si beau !
Mais avant les études, les étés d’enfance. Dès les premiers jours des vacances, route de Lyon vers Limoges où nous attendaient nos grands-parents paternels, la tante Denise ma marraine, l’oncle Adrien, Danièle et Jean Paul son petit frère.
Nous étions attendus, fêtés ! Notre grand-mère regardait ses six petits-enfants comme des merveilles ! Et avec tant d’amour ! Tante Janine que tu avais surnommé «Tata rigolote», arrivait de Haute-Saône avec nos cousins Annette et Michou. C’était alors les grandes tablées avec les délicieux haricots verts et les framboises du jardin. Michou et moi connaissions bien les framboisiers. Et les 15 août ! Tous réunis autour d’un repas de fête ; chants, spectacles, pas de place pour l’ennui. Après ce séjour festif et insouciant : direction le Périgord, en prenant bien soin de faire une place pour Danièle dans la voiture.
A Fongauffier, les balades à Péchaunat [la rédactrice a écrit Péchaunat, comme les usages locaux désignent ces champs escarpés, les documents cadastraux les nomment Pets Chaunat] pour voir si la cabane, construite par notre grand-père, avec l’abri pour l’âne Martinou, était bien toujours là... Le régal avec les cerises noires bien juteuses et les vêtements tachés... La pêche aux "gardèches" [il s'agit des vairons qui, localement, sont désignés ainsi] et aux goujons dans la Nauze, avec Jean-Claude. Et la truite ! Ah, la truite de la Nauze prenant des centimètres à chaque fois que tu racontais ton exploit !
Plus jeune, pendant les jours calmes où nous étions tous les deux, tu avais inventé de jouer à la messe ! Tu avais construit l’autel, je récupérais dans le grenier, les "bondieuseries" de notre grand-mère, des fleurs,
Une clochette ! C'était très sérieux et, chargée d'agiter la clochette, je n'avais pas le droit à l’erreur... L’Église t'a quitté depuis, et, tu es parti vers d’autres idéaux !
Plus tard, il y a eu les escapades avec d’autres copains ; mais, là, je n’étais pas au courant... Affaire de garçons !
Toujours à Fongauffier, l’inséparable trio avec Danièle ! (hélas, absente ce matin), Mais, Jean-Paul, mon cher petit cousin, à mes côtés, aujourd'hui, représente la famille empêchée.
Il y a eu les baignades dans la Dordogne, à Siorac, que l’on rejoignait à vélo, puis au Coux où le cousin Jacques, de Lanceplaine, nous retrouvait. Le trio devenait quatuor. L’apprentissage de la pêche à la main avec les experts cousins d'Envaux... Papa et toi, vous étiez des passionnés. Les après-midi avec les enfants Lafon. Evelyne et Fernand t’ont devancé mais, aujourd’hui, René est bien là pour toi. [En fait, René empêché mais bien désolé, a prié la famille d'excuser son absence].
Beaucoup plus tard, les vacances dans la maison de Vence, avec tes enfants plus les nôtres, cela faisait une belle équipe ! Les jeux, les bains de mer, les rigolades, les disputes... Les concours de sieste organisés par Michel... C'était joyeux ! Tu n'étais pas toujours là, mais ce rôle de G.O. nous plaisait bien à Michel et moi, sous le regard bienveillant et encourageant du Grand-père et la bonne cuisine de Grand-Mère...
Nos deux maisons d'enfance ne sont plus là. Tu préférais Fongauffier, je pleure Vence... Et pourtant, cet air du Périgord, comme pour toi à chaque retour, ici, me dilate les narines, j’y respire mieux, j’y suis bien ! Lieu de nos naissances, lieu d’enfance, d’engagements amoureux, ce coin paisible, si beau, j’y retrouve aussi mes racines.
Je comprends que tu souhaites reposer sur cette terre ! En plus des retrouvailles avec les copains, certains sont là ce matin, d'autres déjà partis, il y a la proximité de la Nauze, de ses poissons... de ses peupliers dans le vent.
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