Un ouvrage largement méconnu
MAZEYROLLES
Attention, l'accès en pleine ligne, à la plateforme des infrastructures du réseau ferroviaire, est naturellement et logiquement, pour d'évidentes raisons de sécurité et, accessoirement, de respect patrimonial, strictement interdit au public. Pour réaliser ce reportage, nous nous sommes donc tournés vers le dirigeant de proximité qui, compte tenu du figeage des circulations inhérent aux mouvements sociaux de cette fin d'année 2019, a bien voulu autoriser à titre purement exceptionnel, après avoir imposé la confirmation de l'assurance parfaite qu'aucun mouvement ne soit prévisible -et pas même envisageable- pour la journée considérée, une permissivité unique pour ces prises de vue en accédant à l'ouvrage. |
D'après l'Inventaire des Tunnels ferroviaires de France, le Souterrain de Latrape, est un ouvrage de 1 875 mètres. Ce tunnel a permis de situer sa rampe d'accès dans la catégorie inférieure à 16 ‰, paramètre du freinage forfaitaire qui s'applique aux profils des plaines.
L'ouvrage s'inscrit sous les reliefs collinaires où le toponyme de l'ancienne commune de Latrape, fusionnée avec Mazeyrolles, le 1er janvier 1960, a servi pour l'odonyme. Ils signent, à 308 mètres d'altitude, l'émergence de la ligne de partage des eaux Dordogne-Lot. Plus loin, à une douzaine de kilomètres de là, on trouve le point culminant du Villefranchois, à 352 mètres d'altitude, au Télégraphe de Peyronnet, lieudit bessois.
De Laroque-Basse à La Croix d'Empéoute, il aurait fallu gravir un dénivelé d'environ 60 mètres sur 2 Km. Le tunnel, quasiment plat, lui, ne négocie qu'un dénivelé de 8 mètres.
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L'entrée du tunnel côté sud.
Photo © Bruno Marty
Ce tunnel, achevé en 1862, attendit le 3 août 1863, pour connaître le passage du convoi inaugural. Les travaux de sa construction ont duré 5 ans. Le doigt pointe l'indicateur d'altitude, 206 m, 1 m au-dessus du rail.
Le point kilométrique 580.3 correspond à la distance depuis le point 0 de Paris-Austerlitz.
Photos © Bruno Marty
L'entrée côté sud. En 1943, ce tunnel qui était à double voie depuis la fin de la Guerre de 14, est redevenu à voie unique. L'occupant envoya ses rails de l'autre côté du Rhin.
Photos © Bruno Marty
Tous les 50 mètres, il y a une niche qui permettait au personnel de trouver un refuge quand existait la double voie. Aujourd'hui, l'assiette de la voie 2 déposée a été remplacée par une piste latérale pour la maintenance de l'ouvrage, piste par ailleurs protégée par une barrière.
Photos © Bruno Marty
Jadis, quand on demandait aux autochtones où La Nauze prend sa source, il n'était pas rare d'entendre "dans le tunnel du Got". C'était un peu inexact car, s'il y a bien divers épanchements qui sourdent sous le tunnel, ils ne sont que des sources artificielles de la Nauze ; celle-ci prend naissance sous Cabirat et retrouve ces épanchements du tunnel à la Fontaine de Salles.
Photos © Bruno Marty
Quand on est au pied de la cheminée d'aération, on est pris d'admiration pour les bâtisseurs. Ils ont réalisé là, de véritables chefs d'oeuvre de génie civil. On pense, aussi, à l'effroi des malheureuses bêtes de somme qui étaient envoyées là, avec un treuil, pour aller effectuer le travail souterrain. Il demeure permis de penser qu'elles recevaient, en récompense, plus de coups de bâton que de caresses des muletiers.
Un de ces malheureux mulets est mort lors de l'effondrement de 1861.
Photos © Bruno Marty
Conduit de la cheminée, 42 mètres, de La Croix d'Empéoute.
Photo © Bruno Marty
La cheminée d'aération de La Croix d'Empéoute, alt 245 m. Son conduit mesure 42 mètres. Son rôle consistait, d'une part, à aérer l'ouvrage pendant sa construction et d'autre part, après son achèvement, à assurer la ventilation du tunnel. Rappelons que, pendant un siècle, les engins de traction des trains étaient des machines à vapeur, dont les populaires et puissantes 141 R. Les autorails thermiques des omnibus, ancêtres des T.E.R, en un demi-siècle, ont supplanté les trains mus par des locomotives à vapeur, le train de grande ligne, 1027/1028, que les autochtones désignaient l'express, c'était -malgré sa vitesse plutôt lente- effectivement sa dénomination, passa au régime diesel, au début des années 60. Ce train nocturne, après avoir perdu son régime de train quotidien, devint dans un premier temps hebdomadaire et, depuis une bonne vingtaine d'années, a totalement disparu.
Photo © Bruno Marty
La cheminée, dite de Bugon, est celle des deux subsistantes qui a le conduit le plus long, une soixantaine de mètres. Il y en avait deux autres qui ont disparu et dont l'excavation a été comblée.
Photo © Bruno Marty
Conduit, 60 mètres, de la cheminée de Bugon.
Photo © Bruno Marty
Un T.E.R pénètre dans le tunnel côté sud. On aperçoit, sur la gauche de l'image, le panneau en U renversé qui indique l'entrée du tunnel. L'autre panneau L.M, limite de manoeuvre, fixe l'ultime point de l'aire de manoeuvres du Got.
Photo © Bruno Marty
Bye, bye, le tunnel ! Je sors de l'antre de la terre et je file vers Périgueux.
Photo © Bruno Marty
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Après une visite d'ouvrage souterrain, quand on repart, on a l'impression d'avoir découvert un sanctuaire du travail bien fait avec l'immense respect que l'on doit au savoir-faire de ses créateurs. On pense à ces personnes qui, parfois, venaient de très loin, pour apporter leur créativité pour que notre ruralité soit désenclavée et pour que notre pays soit jalonné par l'outil ferroviaire. C'était valable pour les tunneliers mais tout aussi respectables étaient ceux qui, dans les chantiers élaborés grâce au génie de Gustave Eiffel, constructeur de l'extrême, avec Garabit mais aussi des ouvrages bien différents, la Passerelle de Bordeaux, le pont de Cubzac et tant d'autres chantiers, ont su ouvrir des avancées dans les montagnes, franchir la Garonne à Bordeaux et la Dordogne à Cubzac.
On ne peut que se sentir débiteur pour ceux qui, pour percer la colline de Latrape, ont perdu la vie là, au lieudit l'Ambulance. Puissions-nous ne jamais les oublier !
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COMMENTAIRE : Aussi appelé tunnel de Got, ce souterrain, initialement prévu pour être absolument droit, a dû être dévié dans sa partie sud, suite à un très gros éboulement provoqué, durant l’été 1861, par trois sources qui inondaient sa galerie. Le nombre exact des victimes est inconnu, mais il est certain qu’il y a eu 4 morts décédés des suites de leurs blessures, plusieurs jours après l’accident, à l’ambulance du tunnel. Les noms de ces victimes sont : Jean Delpy, 23 ans, de La Cassagne (Dordogne), mort le 28 septembre. Francis Decoux, 22 ans, de Treignac (Corrèze), mort le 11 octobre. Etienne Arroud, 27 ans, de Chaumélie (Haute-Loire), mort le 13 novembre. Cyprien Cachon, 28 ans, de Bonneville (Haute-Savoie), mort le 5 décembre. Aucune plaque ne commémore leur sacrifice et leur souvenir.
Par la suite, la galerie conçue pour recevoir deux voies, n’en reçut tout d’abord qu’une. La deuxième voie ne fut posée qu’après la première guerre mondiale. Puis, elle sera enlevée pendant la seconde guerre mondiale, sur ordre des "hôtes indésirables", pour récupérer des rails. Le tunnel restera alors équipé d’une seule voie jusqu’à ce jour.
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