Terres de Nauze

Un geste qui conserve tout son sens

 

 

La gestuelle d'un opérateur, quel qu'il soit, révèle tout un monde de connaissances et de prescriptions. Les plumes du siècle passé ont su nous décrire les travailleurs de la forge, du génie civil, des ateliers de couture, etc. Zola, dans "La bête humaine", nous restitue la gestuelle des gens de la vapeur. Maxence van der Meersch, dans "Corps et âmes", nous fait vivre les moments émouvants, souvent pathétiques, ou parfois tragiques, du chirurgien et de son équipe chirurgicale. Dans un domaine bien différent, Stendhal, dans "Le rouge et le noir", nous livra la fascination que Julien Sorel ressentit en observant le rituel du cérémonial du prélat bisontin.

 

C'est, bien entendu, sans la moindre prétention que je vais tenter de vous présenter un profil, ô combien sympathique, bien de chez nous.

  

 

 

  

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André Brun, photo Pierre Fabre

 

 

Le 4 août 2013, notre ami André Brun, pour le cent cinquantenaire local du chemin de fer, avait retrouvé sa casquette des années 60 et avait  émis un signal de départ, purement factice, avec un guidon de départ version 1948. Ce geste, a priori anodin, est porteur d'un sens sécuritaire. Jadis, il s'appuyait sur l'I.G.S 13 [l'Instruction générale de sécurité n° 13]. Il constitue, pour le conducteur à qui il est destiné, un sésame permissif, naturellement tout en ne le dispensant nullement de l'observation des signaux, jusqu'à la prochaine étape.

 

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Avant de donner le signal de départ l'agent-circulation échange un bonjour rituel. Il peut donner des indications dûment complétées de bulletins de prescription.

Le signal de départ, de nos jours, a certainement perdu de son panache du siècle dernier. Il conserve, néanmoins, toute sa rigueur et son aspect sécuritaire.

 

 

 

Elle est loin l'époque où dans les petites gares, l'agent chargé de donner le signal de départ, tiré à quatre épingles, dûment coiffé de sa casquette,  sortait de son bureau et, après avoir veillé à ce que le service soit terminé, s'être assuré que le signal de sortie, là où il existe, était bien à l'ouverture, et avoir vérifié l'heure, sifflait et agitait son guidon de départ qui claquait. La nuit, il secouait sa lanterne au carbure. Enfant, je m'émerveillais devant ces saynètes sécuritaires interprétées par Roger Ourmière, Gabriel Eymet ou André Brun. À mes yeux, elles étaient empreintes de panache. J'ignorais, certainement, toutes les précautions prises en amont de cet acte permissif mais je leur donnais une forme presque grandiose.

 

De nos jours, le signal de départ, rarement, a conservé cet aspect imposant ; mais, rassurez-vous, la modernité technique fait que les départs sont toujours aussi sécurisés. Ils n'ont fait que perdre leur apparence solennelle.

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Dans le langage populaire, souvent, on désignait les agents du chemin de fer intervenant dans le champ visuel du public pour la circulation des trains, des chefs de gare. Ce raccourci, largement banalisé, ne concernait pas les agents affectés à d'autres missions, tout aussi respectables, par exemple, les aiguilleurs ou les personnels affectés à des tâches aussi diverses que nécessaires, les agents de terrain, des manœuvres de la préparation des trains, etc. On désignait, volontiers, chefs de gare, des agents en vue, en tenue, qui s'activaient à la circulation.  

 

Revenons aux vieux clichés. Certains se sont imposés quand l'unicité des compagnies déboucha sur la S.N.C.F.

Au niveau du vocabulaire des textes sécuritaires, l'I.G.I.S [Instruction générale des installations de sécurité] situa le Chef de gare. Agent, quels que soient son grade et ses autres fonctions, chargé d'assurer le service de la circulation.

Il est évident que le chef de gare de Siorac-en-Périgord et celui de Libourne n'avaient pas le même positionnement hiérarchique. Ils avaient, cependant, la même ligne de conduite à observer.

 

L'évolution du vocabulaire, dans les années 60. On modifia la résonance de ces personnages en leur donnant la tonalité de Chefs de sécurité.  Ces agents, au point de vue réglementation des circulations, remplissaient les fonctions de chef de gare. Ils avaient sous leur autorité, tous les autres agents remplissant des fonctions de sécurité, agents de manœuvre, aiguilleurs et même les mécaniciens des trains, aujourd'hui on dit agents de conduite, lors du stationnement en gare.

 

Une décennie après, ces chefs de sécurité  sont devenus banalisés avec la terminologie d'agent-circulation. Agent, chargé d’assurer le service de la circulation des trains, habilité à la TES  [ Tâche Essentielle pour la Sécurité » (TES) au regard de l’arrêté TES du 7 Mai 2015 relatif aux tâches essentielles pour la sécurité ferroviaire, autres que la conduite de trains. « Assurer le service de la circulation ferroviaire » telle que définie à l’arrêté du 7 mai 2015 relatif aux tâches essentielles pour la sécurité ferroviaire, autres que la conduite de trains, pris en application des articles 6 et 26 du décret n° 2006-1279 du 19 octobre 2006 modifié relatif à la sécurité des circulations ferroviaires et à l'interopérabilité du système ferroviaire.

 

Tous ces agents, strictement nécessaires au bon déroulement des opérations de circulation, ont un rôle sécuritaire. Cette mission est encore plus majeure sur les voies uniques. Leur première finalité étant d'éviter les nez-à-nez. Force est de reconnaître, heureusement, qu'ils y arrivent fort bien pour ne pas dire parfaitement.

 

Quel était -et demeure- le rôle majeur de ces opérateurs. Ils ont pour mission de gérer l'espacement des circulations, appelé cantonnement dans le jargon ferroviaire, et d'éviter les prises en écharpe ; là, ils sont pleinement dans leurs prérogatives sécuritaires.

 

D'où venaient-ils. Au cours du siècle précédent, il y avait plusieurs itinéraires d'accès à ces fonctions. Le plus typique était le concours d'élève exploitation. Ce concours d'un niveau de classe de 3ème, était terriblement sélectif. Plusieurs centaines de candidats se présentaient dans les centres d'examen. Chaque promotion comptait environ une dizaine de jeunes de moins de 18 ans qui acquerraient une formation de terrain. Certains, par leur motivation, leur aspiration, leur savoir-faire et savoir-être, ont terminé dans les plus hautes strates de l'entreprise. Certains, admis sur titres et sur dossier, étaient recrutés avec le titre d'attaché. D'autres entraient dans la filière par promotion, après avoir passé l'examen de facteur-mixte, plus rarement de facteur enregistrant. Enfin, il y avait, aussi, des agents qui sont arrivés à la circulation par changement de filière, par constat de capacité ou examen.

 

Le concours d'élèves, hélas, n'existe plus depuis plus de vingt ans.

 

Le chef de gare, agent investi de mission sécuritaire, a changé de dénomination ; ce qui faisait dire, avec un double zest de nostalgie et d'ironie, à Guy Dufay dit Lafaye*, alors formateur transport de l'École régionale Transport de Bordeaux-Deschamps que je salue respectueusement, le chef de gare est devenu un personnage bedonnant... qu'il faut ménager.

* Guy Dufay, qui a vu défiler x promotions de stagiaires et d'élèves, a bouclé son cursus es qualité de chef de gare de Bourges.

 

 

Le mythe de la coiffe blanche.

 

Pour le public, le mythe de la coiffe blanche des agents de la S.N.C.F aperçus sur les quais, donnait libre cours à des interrogations, des imaginations, voire à des idées reçues. Le blanc symbolise la pureté, la virginité et l'innocence ; mais, aussi, et c'est peut être pour cela, le blanc représente la somme de toutes les longueurs d'onde de la lumière. Il incarne l'autorité et la puissance.

Ces superbes coiffes blanches n'avaient pratiquement rien à voir avec la hiérarchie. Elles étaient portées -et dans une moindre mesure, le sont encore- par des agents investis de prérogatives sécuritaires, essentiellement pour être plus facilement reconnus. En général, c'était surtout dans les gares d'une certaine importance que l'on apercevait ces têtes coiffées. C'est un peu pour cela que certains y ont vu, à tort, une forme de supériorité. C'était, dans l'esprit, surtout fonctionnel et non hiérarchique.

Le chemin de fer, historiquement, hérita dans son vocabulaire, de terminologies militaires, division, subdivision,  section, brigade, canton. De même la distinction des personnels en tenue, apparaissait sur les coiffes des étoiles et, pour certaines, des barrettes. Ce repérage peut, aujourd'hui, paraître complètement anachronique. Il a accompagné bien des générations.

 

Tout agent, quel que soit son grade, doit une obéissance passive et immédiate aux signaux. Art 101 du Titre I signaux. C'était quelquefois, par la soutenance de ce concept empreint de rigueur, que les jeunes agents étaient accueillis lors de leur premier contact dans l'entreprise.

 

 

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Feu SNCF oblong avec 4 feux plus œilleton dont un seul feu (rouge) est allumé, ainsi que l'œilleton (blanc).

 

 

 

Photographie personnelle, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=63999895

 

Les signaux mécaniques ont tendance à disparaître du décor ferroviaire. Depuis des décennies, ceux-ci sont remplacés par des signaux lumineux électriques. Bien entendu, lorsqu'il est en position de fermeture, le signal constitué d'un double feu rouge [dit carré fermé] est  totalement impératif. L'acronyme Nf, image ci-dessous, rappelle impérativement qu'il est non franchissable

 

 

 

Résultat de recherche d'images pour "carré fermé sncf"

 

 

 

Pour tous les ferrovipathes, pour les collègues et anciens collègues, pour toutes celles et tous ceux qui ont une opinion, fut-elle négative, du chemin de fer, la fenêtre commentaire est là pour leur permettre de s'épancher par  leurs remarques, leurs critiques et, pourquoi pas, pour manifester leur attachement à ce lien bientôt bi-séculaire.



02/02/2019
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