Terres de Nauze

La bruine du 11 novembre s'est invitée lors du devoir de mémoire. Volet n° 1.

 SAGELAT

 

La guerre, c'est le massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas. Paul Valéry.

 

Cet aphorisme, souvent, a été attribué, par analogie de style, à l'apôtre de la paix que fut Jean Jaurès.

 

 

Cliquez sur les images.

 

 

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Il fallait confier le dépôt de la gerbe familiale à la plus jeune génération du lignage. Moment émotionnel que ces enfants mesureront plus tard.

 

Pour cette journée du 11 novembre, je vais modifier l'ordre séquentiel pour donner la primeur à la cérémonie, désirée par le lignage des Brisse, qui, en soulignant le sacrifice de Julien Martegoute [St Laurent-la-Vallée 1/9/1894 - Villers-Marmery (Marne) 26/4/1917]  met en relief le deuil des familles modestes qui n'ont pas pu, ou su, obtenir le rapatriement d'un être cher vers une sépulture familiale. 

 

Bien entendu, il ne s'agit pas d'oublier le terrible génocide de millions de jeunes, peu importe leur camp, qui ont payé de leur jeune vie, l'impéritie des hommes avides de pouvoir qui ont souhaité et ouvert les hostilités et de ceux qui, délibérément, bien à l'abri des tirs, ont désiré, par leur jusqu'au boutisme, qu'elles se poursuivent jusqu'à l'ultime dernière minute.

N'oublions pas qu'il a fallu attendre plusieurs heures après la conclusion de l'Armistice du 11 Novembre, pour que le feu puisse cesser ; ce qui, entre autres, envoya de vie à trépas le brave Augustin Trébuchon, pâtre cévenol, bien malgré lui en guerre dans les Ardennes. Ce soldat de 1re classe, estafette de la 9e compagnie du 415e régiment de la 163e division d'infanterie, a reçu, à 10 h 55, une balle dans la tête alors qu'il portait un message à son capitaine.

 

Angèle Martegoute-Brisse n'a jamais pu clore le deuil de son frère Julien. Sa vie durant, elle se désespéra de sa perte et ne put obtenir, ultime consolation, de se recueillir sur sa sépulture. Elle l'aurait voulue en terre sagelacoise. Angèle n'aura pas su que ses petits-enfants Bernard et Jean-Louis partiraient, un siècle après, en pèlerinage laïque, se recueillir au piédroit de la tombe de leur grand-oncle. Julien repose dans le Cimetière national de Villers-Marmery, village des Monts de Champagne, tout près du front où il fut grièvement blessé. C'est là, dans ce lieu de repli, qu'il vécut ses derniers jours.

Dans cet hôpital de fortune, deux personnes ont écrit à Angèle et à ses parents. La première était l'infirmier qui tenta d'adoucir la terrible réalité et qui voulait donner de l'espoir à la famille. La seconde fut l'institutrice du village qui, par sa douloureuse missive, annonça avec délicatesse à Angèle, le décès de Julien.

 

On notera l'extrême finesse de ces courriers rédigés par des gens qui accompagnaient, au quotidien, des malheureux qui perdaient la vie, loin de celles et ceux qu'ils chérissaient.

 

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Pour honorer Julien, il n'y avait pas moins de quatre porte-drapeaux. Celui de la FNACA, à gauche, deux de l'ANACR, dont celui porté par le jeune Romain, et le drapeau communal intergénérationnel porté par Jacques Prunière, petit-fils de la dernière victime sagelacoise de la Guerre de 14/18.

 

 

Quelques mots sur l'historicité du 210ème régiment d'artillerie lors de ce printemps 1917. En avril 1917, ce régiment d'artillerie fut remanié à partir de trois groupes constituant l'artillerie de la 169ème division d’infanterie créée en janvier 1917. Son dépôt est le 10ème d’artillerie à Dinan. Le 1er groupe est constitué par un groupe du 17 ème RAC. Le 2 ème  groupe est constitué par un groupe du 32 ème  RAC. Le 3 ème  groupe est constitué par un groupe du 36 ème RAC.

 

Pour rendre hommage à Julien Martegoute, il fallait trouver deux lectrices et un lecteur, pour traduire l'émotion de ces courriers séculaires, miraculeusement sauvegardés par la famille Brisse.

 

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Yasmine, du haut de ses 8 ans, fut spontanément volontaire pour répondre à la recherche de volontariat pour la lecture. Yasmine, brillante écolière, n'était pas peu fière d'avoir ce rôle à assumer. Elle a ainsi démontré que l'enfance concourt à l'équilibre sociétal en ouvrant de belles perspectives portées par la jeunesse désireuse de se raccorder à l'histoire, à notre histoire... à toute l'histoire.

 

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Pour son aîné Lilian, ce fut un devoir familial parfaitement compris et bien mené. Julien était le grand-oncle de son grand-père maternel.

 

Bravo les enfants, vous forcez l'admiration. 

 

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Pour Manon, habituée des amphithéâtres universitaires, l'exercice était certainement plus habituel ; d'autant plus que Manon, désormais lectrice de l'ANACR, a déjà pris la parole, en public, le 27 mai, pour honorer Paulin Dubeau. La lecture de la poignante missive de l'institutrice de Villers-Marmery n'était, cependant, pas chose facile. Manon, dans le recueillement parfait de l'assistance, s'en est fort bien tirée. 

 

 

Le 10/5/17

 

 

 

Madame,

 

Je reçois votre dépêche aujourd’hui 10 mai ; je ne puis y répondre étant dans la zone des armées ; il me faudrait aller à Epernay et Châlons et là il faudrait encore le visa de l’autorité militaire.

 

Je voudrais pourtant vous répondre en vous donnant de bonnes nouvelles de votre cher  frère, je ne le puis, je ne puis même, à mon grand regret, vous donner des paroles encourageantes et pardonnez-moi la peine que je vais vous faire car je ne suis pas qualifiée pour vous annoncer si  pénible nouvelle.

 

Votre pauvre frère après avoir subi plusieurs opérations, malgré les grands soins dont il a été entouré par les docteurs et les infirmières, a succombé à ses blessures le 25 avril.

 

Croyez qu’il m’en coûte de vous dire une chose qui va vous causer tant de changements, mais je le fais pour vous rendre service car je n’en ai pas le droit.

 

Je ne suis pas infirmière mais je visite tous les jours nos pauvres blessés et tâche par mes encouragements d’adoucir leurs souffrances .

 

Votre frère est enterré dans le cimetière militaire situé en bordure de la route de Villers-Marmery à Verzy. Sa tombe occupe le n°64 et dernière de l’allée, 1ere au bord de la route. Elle est par mes soins plantée de fleurs comme celles de ses malheureux camarades d’ailleurs.

 

En vous priant de croire à la part bien grande que je prends à votre douleur, veuillez agréer pour vous, pour votre famille, l’assurance de mes sentiments dévoués.

 

 

 

B. RADET, institutrice à Villers Marmery  (Marne).

 

 

 

Lettre adressée le 12 mai 1917 à Angèle BRISSE à Lestang, Sagelat.

 

 

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Il y avait une cinquantaine de personnes pour ce moment de recueillement dont une bonne partie venait du lignage Brisse.

 

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Si les enfants ont été particulièrement à la hauteur de leur mission, c'était vraisemblablement leur première prise de parole sur la place publique, c'était certainement grâce à une personne, ô combien discrète, qui  les prépara. Merci Michèle Bard pour ta mission pédagogique hautement menée dans ce village qui ne tarit pas d'éloges sur l'éveil que tu sais si bien apporter à cette génération encore en herbe.

 

_____________________ 

 

La famille Brisse remercie toutes les personnes qui sont venues pour cet hommage avec une note particulière pour, Michèle Bard, les élus et les porte-drapeaux qui ont été les acteurs de ce devoir de mémoire pour Julien Martegoute. 

 

 

Photos Pierre Fabre



12/11/2017
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