Terres de Nauze

Un vieux souvenir rugbystique conté par un adolescent de l'époque

 

 

 

 

 

 

 

Francis Vialard 

 

Tout le monde à Belvès connaît Francis Vialard. On peut dire qu'il fait partie des meubles.

Il entretient diverses passions dont celle des vieilles pierres et les promeneurs et visiteurs de ce castrum, en le suivant lors des balades qu'il conduit pour l'Office de Tourisme, découvrent bien des détails qui, au premier regard, pourraient échapper. Son autre passion majeure est le sport qu'il pratique depuis toujours pour son entretien physique mais aussi par besoin de prendre l'air à pleins poumons, sur les sentes et itinéraires pédestres.

Aujourd'hui, Francis nous raconte l'exploit des Sangliers de Belvès qui, en mai 1962, revinrent  de Montluçon, plutôt chargés et porteurs du titre de Champions de France de rugby, troisième série. 

 

 

 

 

 

 

RESSENTI DU HAUT DE MES 13 ANS,

du Titre de Champion de France, 3ème série,

du STADE BELVÉSOIS, le 20 MAI 1962

 

Cliquez sur les images

 

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Le STADE BELVÉSOIS a 115 ans.

 

À l’issue d’une saison blanche pour les raisons que l’on sait, on pourra toujours se remémorer la magnifique prestation du printemps dernier pour les 2 équipes, ½ finale du championnat de France Fédérale 3 pour l’équipe 1, ¼ finaliste pour l’équipe 2.

Hormis le titre de champion de France Phliponeau acquis par les juniors d’Ovalis 24 au printemps 2015, il faut remonter à mai 1962 pour retrouver pareille performance. A cette époque, les phases finales débutaient fin mars pour se terminer au mois de mai. En battant successivement Facture en 1/16ème, Lombez en 1/8ème, Saugeon en ¼, voilà nos Sangliers aux portes de la demi-finale. L’adversaire est connu, ce sera l’équipe des Pyrénéens de Bsur le terrain de Valence d’Agen. René Moulinier, âgé de 48 ans, cumulait toutes les casquettes du club : président, entraîneur, capitaine et tenancier du café des sports où se situe également le siège du club. Il avait surtout fait croire, durant toute la semaine, qu’un paquet contenant un cercueil lui avait été personnellement adressé de la part de ses futurs adversaires. L’interprétation de cet envoi était révélateur de l’ambiance du match qui se profilait le dimanche suivant. En fait, c’est ce que René Moulinier voulait faire croire pour maintenir la pression sur ses joueurs. L’entraînement d’alors se résumait aux phases finales. L’estafette de Paul Boireau et le camion d’entreprise Bouffard faisant office d’éclairage pour établir les dernières consignes. Le match du dimanche va se résumer à une partie de " mandolines ", entrecoupée d’arrêts de jeux où l’éponge magique était souvent mise à contribution. Pour ne pas être en reste, les débats houleux sur le terrain de jeux avaient une fâcheuse tendance à se propager au niveau des " talanquêres ". Georges Fongauffier est pris à partie, les piquets de drapeaux de touche avaient trouvé soudain une autre fonction. Pour des propos mal interprétés selon les dires, Lafon dit " Jésus " prend ses jambes à son coup tout en slalomant sur le terrain pour tenter de se dégager de la meute adverse lancée à ses trousses. Qu’importe la manière, la victoire est au rendez-vous. Les sangliers sont en finale. Aux dires des Pyrénéens, c’était la finale avant la lettre. Le match suivant devant être  une simple formalité contre une équipe du nord.

 Bicou bis

 L’effervescence bat son plein dans la cité médiévale, à chaque coin de rue, on parle rugby. L’équipe adverse finaliste est identifiée. Ce sera l’équipe des finances de Paris sur le terrain de Montluçon presque au bout du monde. Les supporters cherchent des places dans les voitures disponibles ou plutôt en état de faire ce déplacement. Pour l’équipe, amputée d’un titulaire indiscutable qui ne fera pas partie du voyage, ce sera le car de Bibi Laborie.

 

En effet, Pasquet de Daglan est tiraillé par ses 2 passions. En effet, le dimanche de la finale, il doit jouer impérativement sur la scène d’un théâtre amateur. Il ne peut se décommander, il sera remplacé au poste de 3ème ligne aile, par Grasset.

Jean Manchotte, maître d’œuvre et dessinateur, s’affaire sur sa planche à dessins pour créer le motif le plus représentatif, lequel doit s’afficher sur la lunette arrière de chaque véhicule. Ce sera un terrain de rugby reconnaissable à ses 2 poteaux, un sanglier en partie centrale qui semble charger le ballon ovale, avec en grande lettre ALLEZ BELVÈS. Pour ma part, fanion bleu et blanc en main, les couleurs de l’époque, le voyage se fera avec mes parents dans la Peugeot 203 de X Michel, instituteur à Belvès. Direction Montluçon, à l’entrée de Limoges, contrôle de police, avec la venue du Général de Gaulle dans la cité de la porcelaine, juste après l’attentat avorté du Petit Clamart, toutes les voitures en approche, sont systématiquement fouillées. Après le contrôle d’usage, les C.R.S nous font remarquer que cette affiche placardée sur la lunette arrière commençait à leur devenir familière.  À  Guéret, concert de klaxons, tous les bancs et tables des jardins publics de la ville sont réquisitionnés pour le casse-croûte improvisé. À  Montluçon, le cortège ne passe pas inaperçu, direction le stade qui ne porte que son nom, plutôt un pré à vaches, sans les vaches, vu la hauteur de la pelouse. Un énorme ballon bleu et blanc en tissu est positionné au centre du terrain, et faute de sanglier, l’emblème du club, Georges Busolo avait emmené en laisse un marcassin. Pas besoin de sondage pour évaluer les forces en présence. A 95 %, les supporters belvésois sont maîtres des lieux, contre une poignée de Parisiens totalement médusés devant une telle organisation. L’ensemble du match est correct mais l’enjeu prime sur le jeu. Au coup de sifflet libérateur, Belvès devient champion de France 3ème série sur le score de 6 à 3. La joie est indescriptible, René Moulinier est porté en triomphe, le résultat connu à Belvès, c’est par la sirène que la population est avisée. Au retour, le car des joueurs s’arrête à La Coquille où un repas bien arrosé leur sera servi.

 

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Les jours suivants, tous les joueurs en costume ont répondu à l’appel de Maurice Biraben, maire de Belvès et de ses conseillers, dans la grande salle de la mairie. Du haut de sa stature imposante, le Maire va soutenir un discours élogieux tout à la cause des héros du jour. Roger Beaudelot, du studio " Paléor ", et reporter Sud Ouest, va immortaliser la scène sur la pellicule de son appareil. Pour la présentation du bouclier à la population, la place d’Armes est toute indiquée. Dans la foulée, Élia Lavaud, dite " Mémette ", une femme de caractère, celle qui lave inlassablement après chaque match, les maillots des joueurs à la fontaine, sera de service, aidée par d’autres petites mains, pour servir sur les tables sous la Halle, les merveilles, gaufres, vin rouge et blanc à volonté.

 

Le trophée et l’équipe vont monter au 1er étage du café des sports où, du balcon, entouré de tous ses coéquipiers, René Moulinier, en pleurant d’émotion, va brandir, une nouvelle fois, ce bout de bois si convoité à une population qui, instantanément, va communier avec son équipe.

René Dézesqueau avait, à cette occasion, sorti de son arsenal, un fusil à trombone, tombé dans les oublis de l’histoire, mais que celui-ci avait su remettre en service, on connaissait le bonhomme. Un coup d’essai aux abords de la halle, face à la boucherie Vilatte, servirait de test. Dans un bruit assourdissant, quelques vénérables tuiles de bordure vont en subir les conséquences, avant de s’éparpiller sur le sol. Depuis ce jour, Claude Lacaze, trop proche de l’engin, va y perdre définitivement quelques décibels. Ensuite, très méthodique, Dézesqueau rechargea le fusil jusqu’à la gueule. Il avait trouvé une cible toute tracée vers la rue du Fort à hauteur du magasin Baille. Une publicité de marque Kodak et de forme rectangulaire, empruntait la chaussée pour plus de visibilité, et pour garder sa stabilité, une réserve d’eau lui était nécessaire. Avec une précision diabolique, malgré quelques verres de vin blanc consommés en amont, et dans un vacarme infernal, le projectile atteignait sa cible formant en son centre un trou béant où va s’écouler le contenu de la réserve d’eau. Dézequeau avait réussi son coup devant une chambrée toute acquise à sa cause.

La charnière composée de Fresquet et Raymond Chudziak va par la suite renforcer des clubs plus prestigieux, Sarlat pour le premier, Bègles et Libourne pour le second. Quant à Besse dit " Counette ", il refusera des propositions de clubs de première division, " Les Vergnes " et son club de toujours suffiront à son bonheur.

Voilà, j’avais 13 ans, on faisait partie des plus jeunes supporters avec Jacques Manchotte, entre Casse et Fernand de Goiti, et Claude Boucherie entre Grasset et Besse. Pour ma part, image au milieu du texte, je me retrouve derrière ce ballon improvisé à droite, fanion au-dessus de la tête… c’était il y a déjà 58 ans.

 

 Sangliers de Belvès 1962

 

Beaucoup de ces Sangliers ne sont plus. Puissent les petits de leurs marcassins, être fiers d'eux et, qui sait, un jour, renouveler leur exploit.

 

De gauche à droite, en haut, Robert Vergnolle, dit GabillouRobert Besse, dit CounetteX, Grasset, dit BéquilleRoger Boyer, René Moulinier, Georges Bussolo, Guy Peyrichou, Gérard Bayrand et Maurice Biraben.

En bas Alain Giffault, Guy Thouron, Jacky Rinaldi, André Sanchez, dit Zézé, J-Claude Fresquet, Raymond Scudziak et J-François Lafon.

 

 



06/06/2020
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