Terres de Nauze

Un peu d'histoire ferroviaire. Allons de Villefranche à Sarlat.

Nos ancêtres, pour les chantiers de génie civil, devaient impérativement passer sous les fourches caudines des décideurs et, comme aujourd'hui, au premier chef, respecter, avant tout, les paramètres de propriétés des puissants. Il fallait donc -et c'est toujours d'actualité- ne pas déranger le patrimoine de ceux qui détenaient le haut du pavé et ne pas hésiter à allonger les itinéraires si un décideur a pu faire prévaloir tel ou tel argument. Si l'on avait encore le temps, en fin de parcours, on pouvait s'attarder sur  l'exercice hautement difficile de faire avancer l'intérêt général.

 

C'est donc un miracle, aujourd'hui, de voir se réaliser de grands chantiers, surtout quand on pense qu'il y a les forces qui veulent et celles qui s'opposent, qui s'ingénient à faire valoir leur argumentaire.

Aujourd'hui, jetons un regard sur les 54 Km de chemin de fer départemental qui relia Villefranche à Sarlat.

 

 

 

vendredi 17 février 2017 17:42

 

L'ancienne gare des C.F.D, dite de Villefranche.  Cne de Loubéjac. Altitude 156 mètres. 

 

Dans mon article du 14 février, j'ai essayé, à partir de mes souvenirs, de faire revivre le lien autobus Belvès-Gourdon qui a cessé d'exister, au cours des années 60.

Aujourd'hui, filons un peu plus au sud et, dans la pointe de notre nouveau canton, jetons un regard sur ce qui fut la ligne des chemins de fer départementaux. Elle reliait la gare de Villefranche-du-Périgord  à la Croix Rouge, écart nord de Sarlat.

 

Le siècle précédent en était à la fin de sa première décennie.

 

Les enquêtes, expertises, arpentages, procédures et travaux ont occupé les premières années du siècle. 

La ligne inaugurée le 1ernovembre 1912, cessera progressivement d'être exploitée en 1934.

 

vendredi 17 février 2017 17:49

 

 

L'ancien garage atelier des C.F.D.

 

La sécante naturelle de l'arrondissement. Si l'on regarde la carte de l'arrondissement, on voit se dégager un itinéraire naturel qui s'impose en sécante de l'arrondissement. Il part de la gare de Villefranche pour atteindre Larche, en passant par Sarlat et Salignac ; et, en gros, il correspond à l'actuelle R.D. n° 60. Le maillage du chemin de fer porté par le plan Freycinet, au début du XXème siècle, en était à peaufiner les détails. Les grands axes étaient quasiment terminés. C'était l'époque d'adjonction des chemins de fer à voies métriques et des tramways. Cela ne voulait pas du tout dire que ces chantiers étaient faciles… bien au contraire.

 

 

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Nous sommes là sous la bastide de Villefranche. Ici, le Thouron, ruisselet de 2000 mètres part vers la Lémance.

 

https://www.google.fr

 

La ligne Villefranche-Sarlat, au niveau technique, fut un exploit de génie civil. Pour donner une modeste gare, altitude 200 mètres, à Villefranche [ses habitants crevaient de jalousie au regard de la concurrente Belvès], il fallait d'abord, sur 1500 mètres, escalader 40 mètres de dénivelé, de Bézet au piédroit  de la bastide. Ensuite, pour éviter un rebroussement, avec implant d'une aiguille vers le moulin de Bézet et reprise du sillon de la Lémance, il fallait s'attaquer  au plateau de la Lizonne et rejoindre les Busquilloux, avec un deuxième dénivelé de 71 mètres. Celui-ci de 35‰ précédait la pente de Busqueille au Moulin de la Rode, à négocier avec un autre dénivelé tout aussi sévère. On a dû, pour franchir les Busquilloux, tracer un lacet grévant de 1 000 mètres, l'itinéraire.

À titre de comparaison, la redoutable et redoutée rampe pyrénéenne de Capvern accuse une pente de 33 ‰.

 

De là, un autre passage attendait les mécaniciens avec la rampe de La Tire qui culmine à 284 mètres. Elle sollicitait de beaux efforts à la locomotive. Après Daglan, pour aller chercher St Martial, alt 212 m, il fallait encore grimper pendant 2 Km, pour gagner une centaine de mètres de dénivelé et, toujours dans les profils en pente, atteindre Domme. Ce n'était pas là l'effort le plus important ; mais, dans l'autre sens, les 2 Km du Pech de Caumont à Maraval, dépassaient aussi les 30 ‰.

  

 

Une addition d'erreurs de concept. Les décideurs de l'époque, probablement, n'ont guère étudié la mercatique, pour connaître les parts virtuelles de marché. La population des 15 communes de l'itinéraire s'élevait à 17 178 personnes, en incluant Besse (359 hab) commune externe à l'itinéraire, mais disposant d'un arrêt implanté sur le sol saint cerninois. 

 

 

 

Communes

Population en 1911

 

Loubéjac

555

St Cernin-de-l'Herm

501

Villefranche-du-Périgord

1 160

Besse

359

Prats-du-Périgord

301

Doissat

345

St Laurent-la-Vallée

529

St Pompon

929

Daglan

1 518

Bouzic

470

St Martial-de-Nabirat

825

Domme

1 411

Cénac

1 144

Vitrac

650

Sarlat

6 481

Total

 

17 178

 

 

 

Le chiffre total de clients virtuels reste à prendre avec un grand discernement ; car, à l'époque, on ne se déplaçait pas pour des futilités.

 

Plusieurs erreurs de choix. Une grave erreur d'appréciation fut de vouloir choisir un itinéraire attrape-tout. La bastide de Villefranche, perchée sur son éminence, les crochets par Bouzic et Saint Martial pour les atteindre et, surtout, desservir Domme, allongeaient le parcours. Quand, pour tracer un itinéraire, on veut capter tout le monde, on écarte la "force" d'un itinéraire plus rationnel.

Les plus graves erreurs furent certainement, par souci de réduction du coût et, aussi, par une plus grande facilité de dessin des courbes, le choix de la voie métrique et la connexion indirecte au P.O, Compagnie du Paris-Orléans, précurseur, pour notre secteur, de la S.N.C.F. Cette rupture de charge s'avéra catastrophique pour le fret. À l'époque, il y avait, avant la guerre, beaucoup de tâcherons qui ne demandaient pas mieux que d'aller offrir leurs bras pour le transfert des marchandises. Cette situation devint différente dès 1914, quand les hommes ont été mobilisés pour le front. Pour les voyageurs passant de la gare P.O. à celle des C.F.D. à Villefranche, passe encore ; mais, à Sarlat, de l'arrêt de La Rigaudie à la gare P.O, il y a 1 300 mètres et un beau raidillon. Pour les voyageurs lestés de bagages, ce n'était manifestement pas un atout.

 

 

 

 

samedi 18 février 2017 09:44

 

 

Besse-la-Mouline. Cette halte facultative était sur le sol saint-cerninois.

 

samedi 18 février 2017 10:42

 

Babiot. Un écart doissacois. Là, on attaquait la rampe de La Tire.

 

 

samedi 18 février 2017 10:46

 

La halte de St Laurent est sur le territoire saint-pomponais.

 

Gare de St Pompon

 

 St Pompon, hagiotoponyme unique. Photo Pierre Fabre.

 

lundi 20 février 2017 15:37

 

Daglan était la localité la plus importante du parcours. Photo Pierre Fabre. 

 

 

 

Voyageurs en gare Daglan

 

 Une image de la vie de l'arrêt de Daglan. Carte postale  photographiée chez mes amis Ginette et Bernard Laudy que je remercie chaleureusement.

 


Dagla av gare

 

 

Le passé s'invite avec les plaques de rue. Souvent les localités qui ont perdu un pôle de leur histoire se plaisent à le situer. Ainsi, Daglan rappelle qu'elle fut un village vivant autour de sa gare. L'avenue est devenue rue mais, peu importe, le devoir patrimonial est effectué. Photo Pierre Fabre.

 

Gare de Vitrac

  

 

Vitrac, la dernière localité avant d'atteindre Sarlat.

 

Gare de la Croix rouge

 

 

 

On est passé au Pontet, puis à la Madeleine ; et, nous voici, après 54 Km de parcours rudes dans les collines et vallons, à Sarlat, à la Croix Rouge.

Nous avons suivi les creusets de la Lémance, de la Lousse, du Céou, traversé la Dordogne à Vitrac, suivi la Cuze jusqu'à notre chef lieu d'arrondissement et, maintenant, on descend au terminus.

 

 

Alphonse Daudet termine "Le secret de maître Cornille" par "… tout a une fin en ce monde, et il faut croire que le temps des moulins à vent était passé comme celui des coches sur le Rhône, des parlements et des jaquettes à grandes fleurs".

Il faut bien dire que le temps des chemins de fer départementaux a suivi celui des moulins à vent. La ligne Villefranche-Sarlat était-elle viable ? Manifestement, non ! Elle arriva avec les handicaps décrits ci-dessus, trop tard. Elle était, pour sa longueur totale, un peu plus longue que celles du P.O., par ailleurs, beaucoup plus performantes. Pour les parcours partiels, elle n'avait pas que des avantages. La vitesse commençait à poindre, pour les privilégiés, avec les automobiles.

D'autres lignes, autrement plus attractives, de surcroit à voie normale, commençaient déjà à souffrir, dont Tonneins-Villeneuve-Penne ; et, plus tard, les premières radiales insuffisamment fréquentées, comme Auch-Vic-Tarbes, s'effacèrent à leur tour.

La pertinence du chemin de fer est-elle un dada de ringards et un vieux schéma obsolète ? C'est à la société qu'il appartiendra de le définir. Doit-on sacrifier l'oxygène aux moyens aéronautiques spectaculaires et gros consommateurs, et la primauté du trafic routier est-elle un gage de modernité ou un risque énorme immesurable qui met en péril notre équilibre humain ?

 

Naturellement, je vous laisse juges. Mon opinion personnelle n'ayant, dans le nombre, strictement aucune importance. 



22/02/2017
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