Terres de Nauze

Un hôtel particulier... allons donc...


Un hôtel particulier... allons donc...

 

Notre amie Noëlle Choublier-Grimbert, apporte d'excellents commentaires à ce blog, ce dont, bien entendu, je la remercie vivement. Sur les anciens blogs de Fongauffier-sur-Nauze et Val de Nauze, elle avait, en son temps,  sans polémiquer, recentré la sémantique sur  la notion régalienne du pouvoir. La liste des droits ou fonctions régaliennes dépendent du système politique et, bien entendu, de l'opinion de chacun.
 
Elle a émis plus que de sérieux doutes sur l'appellation d'hôtel particulier pour la demeure des Lafon de Fongauffier.
 
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Dans mon article du 22 mars, j'ai défini l'hôtel particulier, demeure luxueuse d'une seule famille. Je ne pense pas nécessaire de revenir sur la définition. Ces maisons n'avaient d'autre but que d'affirmer la puissance des propriétaires qui, par ailleurs, ne "péchaient" pas dans l'excès de modestie.

 
Un hôtel particulier... allons donc...
 
 
Ci-dessus, l'hôtel particulier Thomas de Montval. https://www.google.fr/ Il a été construit à Toulouse entre 1901 et 1904, à l'emplacement de trois maisons, démolies pour faire complètement place au nouveau bâtiment. Paul-Marius Thomas, né en 1862 à Toulouse, est un industriel enrichi dans la minoterie. L'architecte Jules Calbairac a piloté sa construction jusqu'à son achèvement.
 
La demeure des Lafon, image en tête de cet article, n'a, bien entendu, en aucune mesure, à être comparée à  l'un des prestigieux hôtels particuliers du monde. J'ai longuement hésité avant d'écrire hôtel particulier pour désigner cette pluriséculaire demeure fongauffiéraine des Lafon. J'aurais, certainement, été plus inspiré si j'avais écrit "maison de maître". Si j'ai, cependant, opté volontairement pour "hôtel particulier", c'est parce que les anciens, considérés comme étant les érudits locaux, aujourd'hui, ils ne sont plus là pour le confirmer, empruntaient ce substantif, non par dérision ou par considération excessive, mais par leur perception du dimensionnement de la vie locale.  Offense-t-on la géographie, en parlant de fleuve pour désigner la Veules, agreste cours d'eau de 1 150 mètres, ou la  mer de Haarlem, celle-ci n'atteint pas 300 Km2 ! Se moque-t-on de Versailles ou de son équivalent autrichien, le Château de Schönbrunn, le Versailles de Vienne, en considérant Labroye comme un château.
Il est de bon ton de citer ou d'accepter la légende, suivant l'humiliante défaite du 26 août 1346, de Crécy-en-Ponthieu. Philippe VI, frappant à l'huis du château de Labroye, se serait écrié "Ouvrez ! Ouvrez, châtelain ! C'est l'infortuné roi de France !!!  Labroye est loin d'être un château comparable aux Andelys, Angers, Foix ou Biron. Il est, cependant, à juste titre, considéré comme tel.
 
Jean de La Fontaine, dans sa fable "La besace", nous dit que Dame Fourmi trouva le Ciron trop petit...
 
Dans nos terres occitanes, pour situer un lieu, parfois un personnage, il convient de se référer à la belle langue qui fut celle de Jasmin, de Bertran de Born ou d'Arnaut Daniel.
 
En occitan, on ne parle pas d'hôtels particuliers... pourtant, ils existent ou ont existé.  L'Hôtel de Vienne, à Sarlat, en est un exemple. L'occitan, immensément plus riche que le français, dans ce domaine ne s'est point attardé. Le patrimoine immobilier, riche de nuances, de l'humble chaumière d'antan aux prestigieux châteaux, se perd, en français, dans les subtilités des maisons, des demeures, des bâtisses, des manoirs, des castelets, et, certainement, j'en passe.
Pourquoi nos anciens, en français, ont "osé" donner de l'Hôtel particulier à la demeure des Lafon devenue, par la suite, la maison de Laborie.
 
 
Un hôtel particulier... allons donc...
 
 
Cette bien vieille demeure monplaisanaise est antérieure au déclassement de l'abbaye de Fongauffier concomitant à la grande Révolution française. Aujourd'hui, cette maison, elle s'ouvre sur sa façade orientale avec un encorbellement, a beaucoup souffert, surtout depuis qu'elle n'est plus habitée. Elle était jadis dans le patrimoine de ces personnes de Fongauffier qui tenaient le haut du pavé à Belvès. 
 
Il faut savoir que la demeure de maître, vraisemblablement  érigée après la "liquidation" abbatiale de Fongauffier, s'est emparée d'une bonne partie du village, en se calant derrière les ultimes vestiges de ses remparts et en disposant de logements dégagés de la "noble" demeure. La route, à cette époque n'était qu'une chaussée blanche, certainement plus belle pour le décor qu'une voie bitumée. Les propriétaires étaient riverains de part et d'autre.
La bâtisse principale était dotée de l'eau courante grâce au bélier, invention de 1782, de Joseph Montgolfier, et un jet d'eau permanent ornait le jardinet d'agrément. Certains hôtels particuliers, bien plus huppés, ont connu l'eau courante, plus tard. Le parc, aujourd'hui municipal, était planté d'arbres d'ornement et son cœur était couronné d'un cèdre millénaire abattu lors de la tempête de 1989/90.
L'ensemble immobilier des Lafon s'inscrivait dans le périmètre du village sur un espace de 20 000 à 30 000 m2. Les contours partaient du bas du Bloy et allaient jusqu'à la Nauze avec un appendice collinaire qui reliait Fongauffier au Drapier. Une partie de ce patrimoine a été expropriée pour le chemin de fer.
 
En utilisant la terminologie d'hôtel particulier, les rares autochtones qui s'exprimaient en français, le français s'est imposé, à grand peine, après la Guerre de 14, l'ont fait avec leur estimation. Ont-ils rehaussé excessivement... peut-être ! La pertinente remarque de Noëlle m'amène à m'interroger ; mais quand, enfant, j'entendais les anciens, situer l'hôtel particulier de Fongauffier,  j'ai spontanément estimé qu'ils ne taxaient pas ce lieu par dérision.
La maison, en occitan "ostal",  est du genre masculin.
Dans notre bassin de vie, l'ostal, que l'on prononce "oustal", n'était pratiquement  jamais utilisé et dans le langage courant local, était supplanté par "mai(s)ou" qui, localement, se prononce moïou. Ces "mai(s)ous" sont plutôt de la graphie limousine.
Peu usité, mais rappelant fortement la vie de nos cités médiévales, on trouve les "bastidas". Elles étaient des maisons de campagne, les premières résidences secondaires de gens fortunés. Cette appellation n'existait pas dans notre Val de Nauze.
L'occitan, en général plus riche que le français, propose bien des nuances pour définir les maisons ; mais, toujours dans notre Val de Nauze, on ne se positionnait pas dans ces finesses qui sont plutôt quasiment littéraires.  Pour l'importance de la bâtisse, on recourait,  tout simplement, aux "grand", "granda", "bèl" ou "bèla", "belet" ou "beleta" qui  étaient des nuances intermédiaires.
On trouvait également des correctifs pour les châteaux, "castelas" pour le grand château, "castelet" pour le petit château, mais ce terme réducteur s'est également imposé en terre d'Oïl. Citons le Castelet de la Borne Blanche à Orry-la-Ville.
 
 
Un hôtel particulier... allons donc...
 
 
La sépulture monplaisanaise de J-B Lafon de Fongaufier. Fongaufier avec un seul f. L'orthographie de ce village a évolué au cours des siècles. Il est aussi possible que, par erreur, il s'agisse d'une faute.
Ce J-B Lafon n'est pas celui qui  fut  conseiller général de Belvès et décéda en 1893. Sa sépulture est à Sagelat.

 

 
Un hôtel particulier... allons donc...
 
Dans le Midi, quand on exagère, on dit volontiers "envoyer le bouchon trop loin"; c'est, peut-être, ce que j'ai fait en donnant de l'hôtel particulier à cette pièce patrimoniale fongauffiéraine. N'hésitez pas, comme notre amie Noëlle, à vous exprimer ; vous ne démontrerez, peut-être, rien, mais vous participerez à un dialogue sur votre perception de la vie de nos ancêtres, de nos aînés et  de nos contemporains.


02/04/2017
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