Terres de Nauze

Qui se souvient du "Certificat d'études primaires élémentaires".

 

 

 

 

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De gauche à droite : Colette Brisse, Roger Pramotton, Yvan Carrière, Yvette Chansard et Marcelle Jeannot. Photo d'archives personnelles Marcelle Jeannot-Bossenmeyer.

 

 

Qui se souvient de l'époque du certificat d'études primaires élémentaires.

 

Par une circulaire du 20 août 1866, le ministre Victor Duruy institua un certificat d’études primaires, destiné " aux élèves qui auraient subi avec succès, un examen portant au moins sur l’enseignement obligatoire ", c’est-à-dire la lecture, l’écriture, l’orthographe, le calcul et le système métrique. L’examinateur de l’enfant était, pour l’heure, son instituteur, en présence et avec le concours du maire ou du curé. C’est le début d’une grande aventure scolaire, culturelle et sociale.  Ce certificat d'études est, donc, antérieur aux lois Ferry de 1881. La présence cléricale dans ce jury ne choquait probablement pas beaucoup d'esprits… hormis ceux des précurseurs d'un laïcisme rigoriste.

 

 

Pour Patrick Cabanel, professeur d’histoire contemporaine, université de Toulouse-Le Mirail, même né sous un autre régime, il a été l’examen par excellence des temps républicains. Les temps de la dictée, de la rédaction, de la morale, de la patrie, du calcul et de ses " problèmes ", de la leçon de choses, de La Fontaine. La France s’est faite à travers lui : une France modeste mais exacte, ambitieuse dans le raisonnable même de ses programmes scolaires et sociaux. Tout tient, peut-être, dans ces mots disparus : les instituteurs préparaient au certificat. La nostalgie que le " certif " a laissée, est le signe même du lien harmonieux qu’il avait tissé avec la nation. Si un pays se donne les examens qu’il mérite, la France républicaine avait vu juste.

 

 

Pour être reçu, il fallait n'avoir eu zéro ni en orthographe, ni en calcul et avoir obtenu la moyenne à l'ensemble rédaction-orthographe-calcul-sciences, et, bien sûr, avoir obtenu la moyenne à l'ensemble des épreuves.

N'oublions pas le barème de correction de l'orthographie avec 5 fautes qui valident un zéro.

 

 

Dans notre ruralité profonde, c'était pour les adolescents qui le passaient, une journée inoubliable. À ma connaissance, il y avait fort peu d'échecs parce que les enseignants n'acceptaient de présenter que des valeurs absolument sûres. Pour ma part, là, je vais aller dans la désinvolture et manquer de logique, parce que je ne voyais pas du tout, là, une étape décisionnelle et opérante pour l'avenir. Je focalisais mon regard d'adolescent, vers les superbes jeunes plantes inconnues qui venaient du fin fond de notre ancien canton et qui se présentaient là. Elles venaient donner de la couleur juvénile avec leurs meilleurs atours vestimentaires, tandis que nous, les collégiens, arrivions là, avec notre anonyme blouse grise. Ces demoiselles regardaient leurs camarades masculins avec une certaine distance car elles étaient, au moins pour certaines, des jeunes filles affirmées.

 

Je n'ai que peu de souvenirs de l'épreuve, qui me reviennent à l'esprit, mis à part celui d'avoir réalisé mes exercices d'arithmétique parfaitement justes et de les avoir mal recopiés… ce qui désespérait le surveillant de l'épreuve, un instituteur qui m'était inconnu, il "toussa" sans succès pour attirer mon attention. En géographie, on nous a demandé, entre autres, de citer une ville de l'ouest des États-Unis. J'avais donc cité… Hollywood, Hollywood n'est pas une ville mais un quartier de Los Angeles, métonyme du cinéma américain. Seule satisfaction gravée dans "mon disque dur", ma récitation, "Les pauvres gens", empruntée à la poésie hugolienne de "La légende des siècles". Ma diction avait suscité les chaleureuses félicitations de la jeune et charmante enseignante chargée de me noter. Elle m'impressionna par son allure qui tranchait avec celle des enseignants acariâtres et revêches de l'époque. Elle m'écouta avec attention. Je crois que c'est une des plus que rarissimes fois, vraisemblablement la seule, où j'ai eu droit à une quelconque félicitation émanant du corps enseignant.

 

Le certificat d'études tira ses dernières salves en 1989. Il devenait un contresens parfaitement obsolète. On peut dire que son abandon fut l'aboutissement de la réforme portée par Jean Berthoin, ministre de l'E.N. Il voulait que tous les écoliers accèdent au secondaire et il fixa l'âge scolaire à 16 ans.  C'est l'ordonnance n°59-45 du 6 janvier 1959, qui mit un terme à la scolarité obligatoire jusqu'à 14 ans et en fixa la prolongation jusqu'à l'âge de 16 ans révolus. Les écoliers âgés de 11 ou 12 ans, depuis 1967, accédaient tous à l'école secondaire. Ils étaient moins de 20 % dans les années 50.

Une réforme beaucoup plus ambitieuse fut balayée par l'histoire, celle du plan Langevin-Wallon. Elle fut classée en 1947 dans les tiroirs de l'oubli quand le P.C, qui refusait la guerre coloniale en Indochine, chassé de la gouvernance par l'Union sacrée, incarnée, alors, par Paul Ramadier, perdit ses strapontins. 

 

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L'examen d'entrée en sixième

 

Trois ans auparavant, je me rappelle parfaitement de ce jour de juin 1956, beaucoup plus émotionnel, de l'examen d'entrée en sixième, le dernier de cette version, elle sertit l'amplitude 1933/1956. Le cadre du Lycée La Boétie de Sarlat, certains d'entre nous n'avaient jamais mis les pieds dans cette ville où les professeurs s'abstenaient du moindre rudoiement et vouvoyaient les candidats préadolescents que nous étions, tout cela nous plongeait, nous petits paysans, dans une ambiance tant d'effarement que  de découverte et d'émerveillement.

 

Je crois me rappeler de l'ordre séquentiel. Sauf erreur, il a dû commencer par l'épreuve d'arithmétique qui plomba bon nombre de candidats. C'était un problème d'intervalles. Il fallait savoir combien on devait implanter de piquets pour clore une prairie avec la complication d'une ouverture.

 

Ensuite, je me rappelle parfaitement de l'audace inouïe d'un élève, impensable à mon entendement, qui osa demander comment s'écrivait orthographe. Quelle ne fut la stupéfaction du professeur qui s'interrogea et atermoya un moment, avant d'écrire ce substantif piégeant par ses h ! J'ai su, par la suite, qu'il ne faisait pas partie du texte ; donc, même écrit entaché d'une faute, cela n'aurait eu aucune conséquence.

 

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L'arrivée d'Augustin Meaulnes

 

 

 

L'arrivée d'Augustin Meaulnes, qui coïncida avec ma guérison, fut le commencement d'une vie nouvelle. Avant sa venue, lorsque le cours était fini, à quatre heures, une longue soirée de solitude commençait pour moi. Mon père transportait le feu du poêle de la classe dans la cheminée de notre salle à manger ; et, peu à peu, les derniers gamins attardés abandonnaient l'école refroidie où roulaient des tourbillons de fumée. Il y avait encore quelques jeux, des galopades dans la cour ; puis, la nuit venait ; les deux élèves qui avaient balayé la classe, cherchaient sous le hangar, leurs capuchons et leurs pèlerines, et ils partaient bien vite, leur panier au bras, en laissant le grand portail ouvert... Alors, tant qu'il y avait une lueur de jour, je restais au fond de la mairie, enfermé dans le cabinet des archives plein de mouches mortes, d'affiches battant au vent, et je lisais assis sur une vieille bascule, auprès d'une fenêtre qui donnait sur le jardin.

 

 

Alain-Fournier

 

N.B : Je me rappelle du calme paisible, de la fermeté et de la délicatesse exquise du lecteur de la dictée. Il insista sur le mot cours "attention, il ne s'agit pas de la cour de l'école". J'étais émerveillé par tant de noblesse et de délicatesse empreinte d'une belle mansuétude.

 

Je me souviens plus vaguement de la partie "analyse de texte" qui interpellait les candidats sur quelques mots. En prenant un risque, il me semble bien qu'il fallait, parmi eux, définir la "solitude".  Ce jour-là, à 11 ans, j'ai appris que copie voulait dire "devoir, préalablement rédigé sur un brouillon, remis au collecteur de ces épreuves". Nous étions bien seuls avec notre copie ! 

 


© France 3 Aquitaine

 

Une simulation rétrospective de cet examen, en 2013, à Monplaisant. Image 30/11/2013  France 3 Périgords.



07/12/2018
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