Qui sont ou étaient les fileurs et fileuses. Celles et ceux qui filent ou filaient des matières textiles.
André Poumeyrol était fileur à la filature du Moulin du Cros à Fongauffier. Ce fut, pratiquement, son seul emploi. Figure incontournable de la carderie-filature, il y travailla un demi-siècle.
Adrien Mismes 3/3/1884, Bessines- 2/7/1950, Daglan.
Louise Pétavy-Mismes, 6/7/1888, Paris,- 8/12/1949 Sagelat
Raymond 19/1/1919 Arrènes, 18/6/2014 Sarlat.
Madeleine 12/4/1920 Bessines-sur-Gartempe, 23/6/2015, Sarlat.
Jacques-Louis Teilhaud. Monplaisant 26/7/1922, Monplaisant 29/1/1996
Marguerite-Marie Fayolle, 30/8/1928 Monplaisant, 11/6/2017 Monplaisant
Jacques Fayolle Le Bugue 25/9/1931, Belvès, 26/12/2015
Les Mismes, les Laudy, Jacques Teilhaud et les Fayolle étaient des filateurs.
Filateur. Premier sens. Personne qui possède, dirige une filature. Plus on s'avance vers des destinées industrielles, plus grand est le nombre des candidatures de marchands de chandelles, filateurs, banquiers, meuniers et autres horlogers (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 159). Daniel Decraemer était devenu l'homme d'affaires, le filateur et le marchand (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 138).Autre sens. Celui ou celle qui prépare le fil à tisser; ouvrier d'une filature. Synon. fileur. Les ouvriers du tissage, généralement, sont supérieurs aux filateurs, et comme intelligence et, je crois, comme santé (Michelet, Journal,1842, p. 475). Lorsqu'un ouvrier sait son métier, il quitte la manufacture, (...) il s'en va de village en village, de maison en maison, criant : « Avez-vous des cocons à filer? ». Le paysan donne la préférence à ces filateurs ambulants qui travaillent devant sa porte (About, Grèce,1854, p. 166).Bobineur, bobineuse. Ouvrier, ouvrière, employé, employée, qui effectue le bobinage.
C'est l'action d'enrouler autour d'une bobine, ce cylindre généralement en bois qui permet de maintenir, de ranger le fil, un câble ou un fil de soie, d'or…
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Il y a une dizaine de jours, dans la plus grande sobriété, conformément à sa modestie, sa profonde et sincère humilité et à son effacement, Marie-Marguerite Teilhaud-Fayolle rejoignait son époux dans la sépulture familiale.
Marguerite-Marie était la dernière "filateuse" de la Nauze. Le Moulin du Cros, aujourd'hui lieu de mémoire de l'activité lainière, chevauche trois siècles de cette activité. Il y a maintenant 21 ans, le décès de Jacques-Louis Teilhaud plongea les derniers ouvriers de la laine dans un grand désarroi. Jacques Teilhaud, pressé par ses clients de maintenir son activité, faisait face au mal qui l'emporta.
Jacques Teilhaud, personnage bien impliqué dans la vie locale, était, par ailleurs, le maillon clé de la Troupe de Sagelat qu'il a managée pendant 31 ans. En 1944, quand les hordes du IIIème Reich commettaient leurs atrocités, Jacques était à l'hôpital de fortune de Puy-Channat qui abritait des aviateurs luxembourgeois hostiles au führer et qui recevait les résistants blessés.
Pratiquement toutes les figures de cette épopée lainière ont, aujourd'hui, disparu dont André Poumeyrol, décédé le 5 février 2015. Ce fileur, pendant un demi-siècle, est celui qui a effectué la plus longue carrière dans cette filature.
La survie du Moulin du Cros.
Ce vénérable moulin fut un legs intergénérationnel qui, du Second-Empire à la Vème République, demeura en transmission directe. Après le décès de Jacques, son épouse Andrée s'est appliquée à ce que le savoir-faire lainier fongauffiérain perdure. Elle fut aidée par des adeptes de cette transmission. En prenant le risque énorme de n'en citer qu'un seul, retenons Nicolas Poupinel, le petit-fils de l'inventeur du stérilisateur du même nom.
Tous croyaient en cette mission. Après quelques atermoiements, c'est la Communauté de communes qui a acheté ce patrimoine et l'Association "Au fil du temps" qui fait vivre ce site d'exception.
Un peu plus en aval, la filature de Lavergne a cessé son activité en 1950.
Cette filature était l'œuvre de Limousins, Adrien Mismes et de son épouse Louise. Les Mismes se sont lancés dans l'entreprise lainière, sur les bords de la Nauze, en 1933. Ils venaient de Bessines, sur les berges de la Gartempe, rivière tributaire de la Creuse. Les Mismes, depuis 1840, étaient filateurs dans ce bourg de la Haute-Vienne. Adrien Mismes, le benjamin de sa fratrie de sept enfants, laissa son aîné poursuivre l'exploitation de l'usine familiale et partit comme contremaître dans une filature voisine appelée Le Vieux-Pont. Adrien Mismes passait pour un habile et astucieux imaginatif. La modeste carderie-filature de Lavergne ne fonctionna que 17 ans.
Une très belle histoire d'amour terminée par un accident mortel.
Revenant de la foire de Monpazier, pour se soustraire à une panne, les Mismes, lors d'un remorquage mal assuré, ont connu un accident qui coûta la vie à Louise, le 8 décembre 1949. Adrien ne se remit pas de cette tragédie. Il partit se réfugier chez sa fille aînée à Daglan où il décéda le 2 juillet 1950.
Madeleine venait, à la Libération, d'épouser Raymond Laudy et les Laudy poursuivaient, à leur tour, cette noble échappée lainière. Raymond, après avoir été un jeune résistant, avait, aussi, été l'équipier de son beau-père.
Les Laudy ont passé toute leur vie commune à Daglan, sur les bords du Céou, et leur filature a été un exemple de réussite familiale.
Signe des temps, les filatures du Moulin du Cros, de Lavergne et de Daglan ont cessé de fonctionner ; et, Raymond Laudy, créatif jusqu'à sa fin de vie, passionné par l'énergie hydraulique, sur le tard, a continué de produire de l'électricité avec les eaux vives du Céou.
Une belle histoire ouvrière avec pour merveilleux patrons la Nauze et le Céou.
À Monplaisant, à Sagelat ou à Daglan, nous sommes loin des filatures que la plume d'exception de Maxence van der Meersch décrivait dans "Quand les sirènes se taisent".
Les filateurs étaient, certes, des patrons, mais ils étaient aussi des travailleurs acharnés, d'une équité qui était reconnue par tous.
Bien avant qu'Hervé Serieyx n'écrive, en 1989, son "Zéro mépris", un réquisitoire sur l'esprit de suffisance dans l'entreprise et ailleurs, ouvrage qui prône l'hétérarchie, c'est-à-dire une hiérarchie horizontale, aïe ! pour les adeptes du concept jupitérien qui écartent les principes de la collégialité, les Mismes, Teilhaud et Laudy, qui n'ont peut-être pas lu Serieyx, vivaient dans des équipes où la notion de hiérarchie n'avait pas besoin d'être formulée. Elle allait de soi. Peut-être sans le savoir ils adoptaient l'hétérarchie.
Photos Pierre Fabre.