Terres de Nauze

Et si nos cours d'eau devenaient des oueds maghrébins...

Billet d'humeur.

 

Attention ! Ce billet, une fois de plus, va déranger toutes celles et tous ceux qui veulent vivre avec leur temps. Pour ces personnes-là, mieux vaut, pour éviter leur légitime irritation, l'écarter d'emblée. 

 

 

 

Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...

 

 

 

Aujourd'hui, 6 août 2017, Siorac est en fête au piédroit du pont que l'on appelle, un peu injustement, Pont de Siorac. Ce pont est un lien mitoyen aux Couxois et aux Sioracois. Ce vénérable ouvrage, pour faire simple, a, cette année, 160 ans d'existence puisque son ouverture protocolaire remonte à 1857.

Cet ouvrage superbe, tout d'abord à péage, a remplacé des ponts plus fragiles emportés par les fureurs de la Dordogne. La Dordogne est, en partie, régulée par les barrages, depuis le début des années 50. En son temps, il a été placé sous la protection de la Vierge. On peut se demander si cette intemporelle "protectrice" est pour quelque chose dans sa pérennité ou s'il ne convient pas, plutôt, de reporter sa superbe tenue à la qualité des travaux de ceux qui l'ont érigé !

 

Vieille baderne, je suis et vieille baderne, je demeurerai ! Aujourd'hui, je voudrais dire que, plus que probablement, ce soir du 6 août 2017, je vous fais grâce de ce Nonidi de Thermidor de l'an 225,  parmi les centaines de personnes qui vont, avec justesse, saluer la qualité du feu d'artifice, bien peu vont, concomitamment, s'interroger sur le miracle de l'eau dans nos superbes vallées. Bien peu, certainement, vont penser que ce miracle est d'une fragilité que l'on ne mesure pas.

Aujourd'hui, nous vivons –et ce n'est pas nouveau- à l'ère de la déforestation des feuillus, du plébiscite des autoroutes destructrices de l'environnement, de l'emprunt à outrance des supersoniques qui amputent, chaque jour, notre petit capital d'oxygène et nous livrent leurs résidus polluants. Qui songe, autrement que l'espace d'un reportage télévisuel de qualité, à ce patrimoine que la "modernité" gâche avec frénésie !

 

Qui s'émeut des forages de plus en plus profonds pour aller chercher l'eau qui file vers nos robinets !

Qui pense à ces sources qui, de plus en plus, deviennent fort intermittentes... voire disparaissent. Tout au plus, en observant un talweg  [le St Geyrac par exemple] dit-on "ici, nos ancêtres voyaient couler une rivière", ou une vasque devenue sèche, "Ici, il y a moins de cent ans, sourdait une source généreuse où mes aïeux allaient chercher l'eau" !

 

Bien entendu, nous avons tous entendu que l'eau est un des biens les plus précieux que la Nature apporte, mais ne faudrait-il pas y penser plus souvent  quand, par exemple, on laisse partir plus de 200 litres d'eau potable pour savourer le plaisir égoïste d'un bain ou en pratiquant, parce que cela fait élitiste, un sport qui demande de sacrifier des hectares de bonne terre à irriguer pour garder, en plein Thermidor, un vert printanier.

 

Mais oui, mais oui, vieille baderne, referme vite ton plumier de "rafique"* pour admirer béatement les 4/4, capables de s'attaquer allègrement aux belles rampes des chemins forestiers, et ces engins pétaradants qui font "baver d'envie" les passionnés de la vitesse. Sois émerveillé d'entendre ces récits de vacances où l'on va te ridiculiser parce que tu ne peux te résoudre à t'éloigner de ta vieille masure et à ne point te lasser d'admirer tes reliefs collinaires qui, de Latrape à St Georges, en passant par le Bloy et Pech Bracou, scrutent, au loin, les crêtes dominant la Dordogne.  

 

 

* Une "rafique", dans nos Terres de Nauze, est une ancienne terminologie purement locale qui désigne l'action de ressasser, par excès, et de manière lassante. Ces "rafiques", en général,  sont des personnes considérées, à tort ou à raison, comme acariâtres, aigries, détestables... voire exécrables.

 

 

 Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...

 

 

Depuis que les barrages ont, en partie, régulé la Dordogne, quand quelqu'un dit que la Dordogne est haute ou basse, inévitablement en écho, surgit un "Ce sont les barrages"... certes ! Quand la saison est plus que sévèrement sèche, on aperçoit le fleuve à l'étiage. Cette année, il est plutôt haut. Les couronnes des piles sont toujours recouvertes d'eau. Il est arrivé, vers la fin des années 80, qu'un hiver entier, ces couronnes soient restées à sec. L'image ci-dessus est du 16 novembre 2015.

 

 

Dordogne

 

Cette prise de vue, du 6 août 2017, montre que les couronnes des piles sont à peine découvertes. Les délestages, toujours inopinés, surprennent d'un jour à l'autre mais force est de constater que nous sommes loin de l'étiage quand les couronnes sont très nettement hors d'eau. 

 

 

 

Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...

 

 

C'est là que le Valech, quand il coule, passe sous la R.D 53, au lieudit prédestiné d'Écoute s'Il-Pleut. La légende rabâchée, à contresens, de ce microtoponyme, contourne l'onomastique des lieux.

 

 

Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...
 
Fongalop au pied de la colline du Croze de Randou. Il faut dans ce talweg, beaucoup d'imagination, pour penser que dans ce creuset,  s'échappait, il y a bien longtemps, la Couze. On devine à peine son lit naturel quasiment toujours à sec. Il faut des semaines de pluies diluviennes pour voir un filet d'eau. 
 
 
 
Fongalop/Belvès, entre Lespinasette et Les Cantaysses. La R.D 53 traverse ce lit naturel pratiquement toujours à sec. La carte I.G.N. l'indique en pointillés. 
 
 
L'image ci-dessus est la R.D. 26 sous Vielvic. Les premiers kilomètres des Hauts de Couze sont à sec depuis près d'un siècle. Il y a quelques décennies, les premiers écoulements des Hauts de Couze partaient sous Campagnac. Il faut maintenant passer Bouillac et atteindre St Avit-Rivière pour que la Couze soit autre chose qu'une rigole intermittente. 
 
Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...

 

 

La Nauze à Fongauffier. Elle souffre certes, tous les ans, en été mais elle tient. Ses deux voisins, le Céou et la Couze, pâtissent bien plus qu'elle.
 

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Partons à peine vers le Sud.

 

 

Pour peu que l'on ait consulté les cartes, on sait que nous sommes au pied d'un château d'eau naturel qui, sur les hauteurs de Cabirat, [la Pradelle pour être précis] répartit ses eaux vers trois bassins. Ce phénomène, hors montagnes, est plutôt rarissime. De ces hauteurs sylvestres de Cabirat, les eaux partent vers la Dordogne en s'engouffrant dans la Nauze, vers le Lot en suivant la Ménaurie, puis la Lémance, et, en se glissant dans son talweg, vers le Dropt, affluent direct de la Garonne.

 

La Ménaurie pour quelques kilomètres, a dû céder le pas à la Lémance, plus longue et plus puissante qu'elle.

Au niveau de St Cernin de l'Herm, [l'Herm ancienne terminologie qui désigne les friches] la Ménaurie conflue avec son unique micro-affluent dont l'hydronyme se perd dans les mémoires. Le Ruisseau de la Jasse vient de la Combe de la Jasse, sous le Fresquet, se mélanger à la Ménaurie, au niveau du bourg de St Cernin. Plus que fragile, son cours devient, en amont, phréatique avant de renaître pour quelques hectomètres.

 

La Ménaurie a perdu sa pérennité depuis plusieurs décennies. Cette année, elle ressemble à un timide ru et on peut se demander si ses derniers suintements vont pouvoir attendre l'automne.

 

Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...

 

Le pont de la Ménaurie à l'entrée du bourg de St Cernin.

 

Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...

 

On cherche le petit filet d'eau. 

 

Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...

 

Mais oui, elle coule encore. 

 

Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...

 

 Le fossé est impressionnant pour un si petit cours d'eau.

 

Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...

 

La confluence Ménaurie/Jasse. 

 

Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...

 

Sous le pont... de St Cernin. 

 

 

Et si nos cours d'eau devenaient des oueds magrhebins...
 
Le pont de la Jasse.
 
Photos Pierre Fabre

 

 



06/08/2017
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