Ces hydronymes de tout petits rus qu'il faut scrupuleusement conserver
PARTONS de GRIVES
EN PÈLERINAGE PATRIMONIAL
POUR SAUVEGARDER NOS HYDRONYMES
ET NOS MICROTOPONYMES.
Dans l'article du 22 mai dernier, "Le Falgueyrat, un lieudit bucolique", sur la base de souvenirs plus que vraisemblablement émaillés d'imperfection, j'ai assimilé le toponyme de Falgueyrat à l'hydronyme du ru qui s'invite dans son goulet collinaire.
Fort heureusement, notre ami Pierre Cabanes, qui aujourd'hui peut être considéré comme étant la mémoire vive de Grives, s'est ému de cette erreur. Il m'a précisé que ce ruisselet intermittent s'appelle Le Spontou. Très bien, mais notre ami grivois n'avait aucune idée sur son étymologie.
Une fois encore, Jean Rigouste, notre érudit passionné de sémantique et d'onomastique, est venu à notre secours pour émettre une hypothèse en précisant bien que là, il n'y a pas de certitude absolue... loin s'en faut.
Après s'être fait décrire le décor de cet affluent du Valech, il en a déduit une probabilité, elle tient la route. Le Spontou dans un idiome fort ancien, bien antérieur à notre français, devait désigner le ruisseau des pontons ; c'est à dire un cours d'eau franchi, çà et là, par ses riverains grâce à des petits passages constitués de planches.,
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Non, ce n'est pas une confluence similaire à celle du Missouri et du Mississippi en amont de Saint Louis. Là, nous sommes à Grives dans les prés sous Signac. Le Spontou signe ici sa reddition. Ce ne sont que de bien timides ruisseaux, par ailleurs intermittents. Photo Pierre Fabre
Le problème pour nos ruisseaux, c'est que les hydronymes d'un nombre non négligeable d'entre-eux, ne figurent pas inscrits sur les documents cadastraux. C'est malheureusement le cas pour les plus modestes. Par exemple, personne ne sait comment nos ancêtres dénommaient le ru qui naît à l'église de St Amand. Plus dommageable encore, le ruisseau, relativement consistant et pérenne, qui jaillit sous Carlux et rejoint la Dordogne à Rouffillac, n'a pas été mémorisé.
Pourquoi faut-il sauvegarder nos microtoponymes et notamment les hydronymes de nos fontaines et de nos ruisseaux.
Image youtube.com |
Pour Gaston Tuaillon, romaniste et dialectologue savoyard, Fourneaux [Savoie], 1923, Grenoble, 2011, "Le but de la toponymie est de donner un sens aux mots qui n’en ont pas ou plutôt qui n’en ont plus. Quand ils ont donné à tel endroit une désignation précise, les hommes des générations passées savaient que le mot choisi avait un sens qui convenait à ce lieu : pour eux, le nom de lieu était un signe motivé. Cette motivation a duré des siècles et, pour certains toponymes, elle peut être encore consciente aujourd’hui ; mais souvent cette motivation s’est éteinte. Si elle a disparu, nous ne comprenons plus le sens des toponymes créés par des hommes intelligents qui organisaient logiquement leur vocabulaire topographique".
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Les hydronymes locaux, au regard de notre passé, sont moins souvent évocateurs de faits historiques que les microtoponymes. Dans la majorité des cas, pour désigner nos petits cours d'eau, nos ancêtres ne se sont pas égarés dans des recherches subtiles. Vers Montferrand, on trouve le ruisseau de Tournier, ou celui de Fonfourcade. A priori, ils s'identifient à des personnages ; à St André d'Allas, c'est le ruisseau de Puymartin qui complète le microtoponyme du château. Autour de Tocane, s'écoule le Ruisseau des Planches. Beaucoup de rus et de ruisseaux portent ce nom. Souvent, c'est le nom de la commune de la plus haute source qui a servi pour bâtir l'hydronyme. C'est le cas pour le Saint Geyrac qui file vers le Manoire. Chez nos voisins du vignoble libournais, à Sablons-de-Guitres, on s'est inspiré du lieudit du Palais pour nommer le ruisseau et son adjacent le Petit Palais, tout comme le Petit Armet s'écoule dans le Grand Armet. Le Ruisseau girondin des Faures, probablement, avait des forges dans ses berges. Les reliefs du Grand Coupis apportent leurs eaux à la modeste Génétouze dans la pointe de la Saintonge.
Beauronne désigne deux petites rivières distinctes de la R.D. de l'Isle. Ce toponyme, identique à celui du village de la Forêt de la Double, contraction de bebros ou beber désignant le castor et de onna représentant le cours d'eau, est d'origine celtique. Bebro(n)na signifie donc "la rivière des castors". En occitan, la commune porte le nom de Beurona. Elle n'a donc rien à voir avec le grand Rhône.
En Périgord vert, nous avons la Belle, fort joli affluent de la Lizonne. Nous la partageons avec l'Angoumois. Elle signe la baronnie de Mareuil. Nos voisins du Villeneuvois, eux, ont la Lède. Elle est loin d'être laide mais son étymologie peut faire trébucher. Son sens initial étant la partie du milieu d'un marais salant, autour de laquelle on creuse un fossé. Il y a des dizaines de milliers d'années que l'océan a quitté le Villeneuvois !
Les Azuréens de l'arrière-pays immédiat de la côte, entre Var et Roya, se partagent les Paillons. Le Paillon de Contes, le Paillon de St André et le Paillon de Laghet se réunissent aux portes de Nice. Ils demeurent comptables de l'histoire de leurs légendaires fureurs respectives.
L'origine du mot Paillon est liée à la "notion d'eau, de cascade, de cours d'eau qui tombe d'une hauteur". Plusieurs graphies anciennes correspondent à la consonance de ce mot ("palhon", "paion"). La racine "palh" signifie "élévation" et se retrouve dans certains noms de village (Peille, Peillon). Les Paillon n'auraient donc rien à voir avec la paille.
Image Wikipédia
Nos hydronymes, cependant, bien souvent, nous éclairent sur les particularités géographiques, voire historiques, c'est pour cela qu'il faut éviter de les voir sombrer dans l'oubli.
On pourrait faire de la poésie avec nos rivières et nos ruisseaux qui, en général, portent d'aussi jolis noms, comme la Nonette à Chantilly, la Donzelle à Bourdeilles, le Vimont à Rouffignac... et, bien entendu, tous les autres.
Après tous ces écarts, revenons à Grives.
Ce point de verdure était dénommé "la pesquière de Signac". Un canal d'amenée, au siècle dernier, conduisait l'eau du ruisseau vers cette retenue piscicole. Les jeunes grivois des années 30 se sont amusés dans ce bassin... peut-être sans avoir obtenu l'accord formel du propriétaire. C'était certainement un lieu de baignade... on ne peut plus "rustique". Photo Pierre Fabre
Sous l'Ancien Régime, nos ancêtres avaient donné un microtoponyme à toutes les parcelles de terrain. Ils servaient à identifier leurs lopins de terre, d'aucuns disaient ici les "péchoutis", avant que le cadastre, document géométrique certes mais d'essence fiscale, ne les définissent. Parfois, ces microtoponymes étaient, plutôt, élémentaires : Terre d'en haut, Jardin de Victor, Enclos de la dame. Ces microtoponymes, parfois, ont pris une résonance nouvelle. Le pré de Cordy à Sarlat en est un exemple. C'était un inventaire patrimonial, sommaire, certes, il satisfaisait nos ancêtres qui s'en accommodaient.
Il y avait bien des contestations de limites, en occitan on disait les "divises", mais n'y en a-t-il pas aujourd'hui !
Pour nos ruisseaux, c'est un peu pareil, demandez aux néo-Belvésois comment s'appelle le cours d'eau qui s'écoule au pied de leur cité. Il n'est pas certain que les réponses exactes soient légion. Celles-ci seront encore plus imprécises pour situer les six affluents... alors, ne parlons pas des sous-affluents : Gaugeard, Ruisseau Trompette, Neufond, Colprunée !
Le Valech trace son itinéraire en demandant à la végétation de ses berges, de lui concéder une permissivité de passage. Photo Pierre Fabre
Avant de trouver le Valech, ô surprise, j'ai rencontré deux petits faons apeurés. Ces sympathiques hôtes de la prairie m'ont fait craquer. J'ai eu peur pour eux. Le lendemain, je suis revenu pour voir s'ils étaient encore là. Avec satisfaction, j'ai vu qu'ils n'y étaient plus. Je me suis mis à espérer que leur protectrice était venue les reprendre. Photo Pierre Fabre
La prochaine échappée à Grives sera un regard sur le Fonbounou, cours d'eau intermittent partageant Grives et St Laurent. Il vient de la colline chapeloise. Juste en amont de sa confluence, nous nous autoriserons une vue sur la retenue d'eau implantée sous le Breuil*. * Selon l'encyclopédie Wikipédia, le très joli toponyme de Breuil serait issu du gaulois brogilo : bois clôturé. ... Il semble désigner une pâture, proche du hameau ou du village, entourée d'une clôture, pour les animaux de basse-cour, le petit élevage. Celui de Grives correspondrait à l'esprit de la définition. |
Je sais, une fois encore, je vais être taxé de prolixe. Jusqu'à la fin de la semaine, je vais être plus mesuré.
Demain : "Nos anciens, en les désignant, disaient les lacs".
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