Carves ou Carvès
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Photo © Bruno Marty.
Qu'est ce qu'un accent.
En typographie c'est un signe spécial qui se met sur une syllabe, soit pour faire connaître la prononciation de la voyelle, soit pour distinguer le sens d'un mot d'avec celui d'un autre mot qui s'écrit de même. L'accent aigu (´), l'accent circonflexe (^), l'accent grave (`).
L'accent souligne ou accompagne. Il traduit l'intensité, l'émotion et tant d'autres choses que l'on ne peut le limiter à l'accent du terroir qui identifie le locuteur. Le conférencier a mis l'accent sur un fait mineur qui a ouvert une brèche sur un problème jusque là négligé. |
Pourquoi Carvès s'écrit, ou devrait s'écrire, avec un è, dont l'origine lexicographique est obscure. S'agit-il d'une adjonction inutile, voire énigmatique, ou s'agit-il d'un signe placé à tort dans le toponyme! Il n'y a probablement personne, aujourd'hui, qui peut donner la raison et préciser s'il s'agit d'une lointaine erreur ou d'un fondement oublié.
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Depuis longtemps, le toponyme de Carvès est écrit Carves.
Cette orthographie peut interpeller parce que Carvès, à ce jour, n'a pas été invalidée par les instances municipales, souveraines dans ce domaine. Ce sont les usages qui, jour après jour, ont sapé cette orthographie.
À mon humble sens, il faudrait laisser perdurer cet accent qui interpelle.
L'orthographie, depuis la nuit des temps, est évolutive. Cette évidence concerne autant les noms communs que les noms propres. Les toponymes, les patronymes n'y échappent pas.
Belvès s'est orthographié Belvez au XIXème siècle. Les Belvéziens sont devenus les Belvésois. On trouve, un peu partout, des évolutions mineures, voire plus importantes. Les villes d'Alais et de Cette, après divers atermoiements, sont devenues Alès et Sète, il y a près d'un siècle.
Carvès, localement, en français, depuis toujours, s'est prononcé Carves. L'accent du e ne sert que pour la construction du gentilé. Les Carvésois, sans cet accent, seraient les Carvesois. Notons que Carvès, en occitan, s'écrit Carvas. Son étymologie serait peut-être pré-celtique °kar (pierre, rocher) + suffixe collectif –avum. Cette hypothèse démonterait celle de la calvitie. Carvès est devenu un oppidum où la déforestation a mutilé les reliefs sylvestres.
En occitan, comme en espagnol, la diction du v et du b se confond. On trouve dans l'expression orale, un v du suffixe qui s'entend avec une déclamation très proche de celle d'un b. On retrouve cette énonciation, en occitan, pour Belvès.
On notera que les patronymes Carvès issus du toponyme Carvès, eux, ont non seulement conservé l'è mais celui-ci est effectivement prononcé.
Les toponymes connaissent donc des évolutions. Ainsi, Alais, après divers atermoiements, est devenu Alès en 1926. Sète a supplanté Cette en 1928. Les microtoponymes, eux-aussi, voient leur orthographie cheminer, souvent par dérive. Nouaillac est devenu le Maillac. Nouaillac laisserait penser à la noix tandis que Maillac est un nom. Nous serions là avec un anthropotoponyme porté dans les Pyrénées-Orientales ou dans l'Aude, sous les formes Mailhac, Maillac. Ce patronyme se trouve aussi en Haute-Vienne. Il désigne celui qui est originaire d'une localité portant ce nom. On pensera notamment aux deux villages de Mailhac, audois ou haut-viennois dont la signification serait le domaine de Magilius ou de Mallius, noms de personnes latins.
À mon humble sens, il faudrait éviter de rectifier le fond et la forme des toponymes et des hydronymes. Ils nous éclairent sur notre historicité. Un toponyme qui se termine par le suffixe ac, désigne un lieu qui appartient à. Doissat, terminologie contemporaine s'écarte de Doyssac, le domaine de Dossius, nom gallo-romain de personne.
On trouve dans le département, Montpon-Ménestérol, Mont Paun e Menestairou [le mont du paon, il n'aurait donc rien à voir avec un quelconque pont] ou, en bas-latin monasterolum [prieuré, petit monastère]. Quelques hésitations ont fait qu'à la gare, on voit cohabiter deux orthographies différentes.
Depuis beaucoup plus d'un demi-siècle, Monplaisant est indiqué sans t central sur les panneaux routiers. Fatigué par les hésitations, Paul Salanier, maire de 1971 à 2008, a sollicité le Conseil d'État, pour mettre en ordre cette orthographie. Il reste encore quelques Montplaisant qui, de temps à autres, reviennent. Le t central donne cependant un sens différent qui, peut-être, voire logiquement, dans ce cas-là, aurait été la forme la plus adéquate. N'allons pas jusqu'à discuter l'arrêt du Conseil d'État.
On peut s'interroger sur le t central de Montpellier, ville méditerranéenne plutôt plate qui s'étale autour de 10 mètres d'altitude. Son émergence de 119 mètres est probablement, pour quelque chose, dans son étymologie controversée.
La diction a toute sa place dans la genèse des mots. Quand, arrivant à Paris, dans les années 60, je situais dans le langage, Reims ou Metz, je ne l'énonçais pas du tout de la même manière qu'un Calaisien et je faisais rire tous les Picards et Flamands.
Les gens du sud ne prononcent pas Gérardmer de la même façon que les Vosgiens. Eux savent qu'ils ne sont pas au bord de la mer. Gérardmer de Géraud (ou Giraud), nom local, et mer venant du patois moué, " maison avec champ cultivé ". La Mer d'Alsace s'est asséchée il y a environ 200 millions d'années. Au cours du quaternaire, le massif vosgien a connu des glaciations successives, mais le Lac de Gérardmer ne s'est formé qu'après les retraits glaciaires, après la glaciation de Würm, soit il y a, environ, 80 000 à 10 000 ans avant nous.
Dans la Catalogne française, le gros bourg de Baixas, pour les autochtones, se prononce Béchas. Les "étrangers" passant par Tournay, [localement on prononce Tournaï] ou Coarraze-Nay, [localement, on prononce Naï] localités bigourdane ou béarnaise, disent Coarraze-Ney ou Tournai.
À Bazet, dans la couronne de Tarbes, on prononce le t. À 20 kilomètres de là, à Maubourguet, il n'y a pratiquement plus d'autochtones qui s'attardent sur la consonne finale.
Revenons à nos moutons carvésois. Si l'accent du e disparaît définitivement, Carvès n'aura pas perdu un point d'ancrage et l'usage aura totalement prévalu. Ce n'est manifestement pas la même chose que d'altérer, par une dérive d'usage, un hydronyme de son sens. Le Valech, talweg humide, étymologiquement parlant, a un sens. La Vallée tombe dans la généralité et cette dérive semble regrettable pour la compréhension des touristes, la sémantique et pour le bon sens.
Les élus ont certainement d'autres préoccupations immédiates que celles de veiller à la sémantique et à l'étymologie. Cette vigilance, pourtant, ne leur demanderait que de prendre une décision fort ponctuelle, après une délibération symbolique.
A priori, les citoyens, dans leur immense majorité, pensent qu'il n'y a pas de quoi fouetter un félin carvésois ou autre.
Photo © Bruno Marty.
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